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Chroniques des lettres
Chronique de l’an V
fin
Les Moulins
Sophie Braganti
Belem Éditions
Sophie Braganti, collaboratrice de notre revue, vient de faire paraître un petit récit attachant intitulé Les Moulins.
Elle nous entraîne dans ses souvenirs du pays niçois, dans son école, chez ses parents, elle nous fait rencontrer ses amies, ses camarades de classe et nous fait remonter le temps jusqu’à l’adolescence.
C’est un petit récit (par la taille) qui procède par touches subtiles, qui ne s’appesantir sur rien, mais retient l’essentiel d’une scène, d’un instant, d’un détail révélateur. Il est écrit avec beaucoup de grâce et de poésie et aussi avec une fine pointe d’humour, ce qui ne nuit pas. Jamais Sophie Braganti ne sacrifie à la mélancolie. Elle sait narrer ce qui est sans nul doute une autobiographie avec retenue et un sens aigu de l’anecdote qui met à jour une réalité, un sentiment, une blessure. Les Moulins – ce n’est que le nom d’un quartier périphériques – est un livre qui a du chien et trahit une sensibilité pleine de retenue.
L'Histoire de Ian van ***
Gentilhomme de Flandre
ou Le théatre du péché
Adrien Salmieri
Editions De Corlevour


L’Histoire de Ian van ***, Gentilhomme de Flandre ou Le Théâtre du péché d’Adrien Salmieri (éditions De Corlevour) est un retour au « grand genre » de l’aventure qu’on a jeté aux orties depuis longtemps ou remplacé par le roman de gare postmoderne. Ce roman rappelle bien sûr les Mémoires de ma vie de Casanova (l’époque bien sûr où se déroule l’action, mais aussi ce genre de vie qui est une bousculade frénétique et désastreuse), mais aussi Alexandre Dumas. Ce curieux mélange a produit un roman curieux mais qui est loin d’être dépourvu de charme. Le personnage que Salmieri a campé est tout autre que plaisant. Et son histoire d’achève dans les ténèbres du mal bien qu’on éprouve bien des difficultés à prendre ce versant maléfique de la fiction trop à coeur. L’histoire n’est pas crédible une seconde – mais que nous importe? Seul compte ici le plaisir de la lecture, qui ne se boude pas surtout pas ces temps de relative disette littéraire.
François Cheng
Editions Poésie - Gallimard


François Cheng qui a écrit de si beaux livres sur l’esthétique de la Chine ancienne est également poète. André Velter présente ses oeuvres poétiques dans la collection qu’il dirige, "Poésie/Gallimard".

Cheng n’est ni un inventeur ni un innovateur. Il transpose dans notre langue l’esprit de la tradition poétique chinoise. Ce sont de véritables peintures qui ne sont pas composées avec un pinceau et de l’encre, mais avec des mots formant des images qui sont associées dans des combinaisons simplement exprimées mais qui finissent par engendrer des constellations de sens assez complexes. C’est très subtil, assez formel malgré tout et a aussi une connotation spirituelle évidence – c’est ce que ce vers nous dit : «Ré-habitons ce qui du Rien advient.»
L’Invention du temps, tome IV
1974 - 1977
Claude Michel-Cluny
Editions de la Différence


Claude Michel-Cluny, des figures et des masques
Jalel El Gharbi
Editions de la Différence


Claude Michel-Cluny
Pierre Brunel et Jean-Yves Masson
Editions de la Différence


La publication du journal de Claude Michel-Cluny ne peut que réjouir. Sous le titre explicite de La Déraison, il nous livre cette fois les années 1974-1977. Et comme il n’est pas homme à changer de cap, il fait preuve d’une humeur frondeuse (plus que batailleuse) et donc d’un refus des mouvements de la marée des modes et des engouements transitoires.

C’est une magnifique leçon d’esprit rebelle qui n’écoute pas les sirènes de la mode. Il faut l’entendre parler de Marguerite Duras ou de Michel Tournier. Quand on songe à la période traitée, c’est vivifiant. Et puis il y a ses voyages qui le mènent de Tripoli à Bagdad, de Tunis au Caire, de la Chine aux Etats-Unis, il nous raconte ses périples avec l’oeil de quelqu’un qui ne fait pas oeuvre d’orientalisme. Le poète, le lecteur, le voyageur aussi se retrouvent dans l’excellente biographie de Jalel El Gharbi. Et quand je dis «biographie», il faut entendre bien autre chose que les exténuantes vies d’auteur qui commencent aux origines bibliques pour arriver jusqu’à la tombe et parfois pire.

C’est l’homme exclusivement tel qu’il se révèle dans ses écrits, le poète donc et l’esthète qui apparaissent dans un jeu complexe de miroirs et de travestissements. C’est d’ailleurs essentiellement dans un dialogue qu’un opinion se forge et que ce portrait se construit. C’est là le plus sûr moyen de procéder pour découvrir un écrivain, par les mots et par la pensée (la parole) qui est le substrat vécu de ces mots. Pour les soixante-quinze ans de l’auteur, un colloque a été organisé à l’Université de Paris IV (la Sorbonne). Les actes de ce grand exercice classique d’admiration ont été réunis en un gros volume qui analyse ses ouvrages, ses faits et gestes, ses propos sous toutes les coutures. J’aurais préféré quant à moi une poignée d’écrivains qui une grande liberté de ton, de créateur à créateur, plutôt que ces doctes arguties. Mais c’est un bon « outil de référence » comme il est coutume de le dire à la faculté…

Le travail de l’ADPF (Ministère des Affaires étrangères) demeure méconnu, je dirais presque par définition, puisque son travail consiste à diffuser la culture française à l’étranger. Cette officine produit d’excellente monographies sur des écrivains (Claudel, Saint-John Perse) ou sur des philosophe (Ricoeur, Sartre, Merleau-Ponty) qui constituent d’excellents ouvrages de référence, très bien présenté et édité, avec des auteurs compétents et qu’on aimerait bien trouver en librairie. Il est regrettable qu’un travail aussi importante, aussi nécessaire soit-il pour faire connaître notre culture dans le monde, ne soit pas accessible dans l’hexagone.

BOURLINGUER
Les premiers photographes d'un empire sous les Tropiques
Bia et Pedro Corrêa do Lago
Editions Gallimard


Cette année du Brésil a eu le mérite de faire découvrir le rôle de ce pays dans l’histoire de la photographie. Les spécialistes l’ont découvert il y a quelques décennies. L’exposition du musée d’Orsay – L’Empire brésilien et ses photographes – l’ont fait découvrir au grand public, tout comme le très bel album de Bia Corrêa do Lago et de Pedro Corrêa do Lago, Brésil, Les premiers photographes d’un empire sous les Tropiques (Gallimard) qui reproduit quelques trois cents clichés du XIX ème siècle.

Louis Compte y réalise les premiers daguerréotypes, réalisant des paysages de Rio de Janeiro, le portrait de l’empereur Pedro II, qui s’est passionné pour cette nouvelle technique,et surtout conservant la mémoire de l’effroyable guerre du Paraguay (1865-1870). De nombreux Européens sont venus dans ce gigantesque pays pour en découvrir l’incroyable diversité et l’incroyable richesse, comme les Français Hercule Florence, Victor Frond, auguste Stahl et Marc Ferrez. Ce livre n’est pas seulement le compendium de magnifiques documents d’archive.
C’est la découverte d’un aspect du Nouveau Monde à travers des regards contrastés, prismatiques, qui révèlent une réalité avec toutes ses beautés et aussi avec toute sa misère et toutes son injustice.
James Dean, un beau cadavre
Michel Bulteau
Editions du Rocher


J’aurais tout aussi bien pu ranger le livre de Michel Bulteau dans le domaine romanesque. Mais ce n’est pas un roman. Ce n’est pas non plus une biographie au sens stricte et encore moins une biographie romancée, le genre le pire.
Non. Disons qu’il reconstitue à sa manière l’existence fulgurante de James Dean, en tentant de maintenir un équilibre fragile (peut-être impossible) entre la réalité et le mythe. Mais l’existence de l’acteur n’a-t-elle pas consister à entrer dans la sphère mythique du cinéma?

Une poignée de pièces de théâtres à ses débuts, puis sept films – dont trois seulement peuvent compter – voilà tout ce qui a suffi à faire de jeune homme un peu tête brûlée, mais très sérieux dans son métier, une figure incontournable du XX ème siècle. Bulteau a très bien su faire revivre ce personnage hors du commun dans un livre écrit comme on écrit un roman d’amour, mais sans tomber dans les stéréotypes du genre.

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Gérard-Georges Lemaire
mis en ligne le 28/08/2005
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