La fugacité du temps, la fragilité de la vie, la vieillesse et la mort sont à l'œuvre dans le polyptyque "Four Hands". C'est l'œuvre la plus forte, la moins bavarde, sorte de « Vanité » animée. Ailleurs, on a trop souvent le sentiment d’être face à ce que le Grand Palais a qualifié de « tableaux vivants », de par le recours de Bill Viola à un dispositif de plan fixe dans lequel seuls les personnages évoluent.
« Chott el-Djerid, Walking on the Edge, et The Encounter », présentent des marcheurs qui ne se déplacent pas dans l’espace, mais y évoluent seulement de manière allégorique : deux hommes, l’un jeune, l’autre âgé, éloignés à deux extrémités gauche et droite, marchent en se rapprochant du milieu, jusqu’à se croiser dans « Walking on the Edge ». De la même façon, « The Encounter » est la rencontre de deux femmes d’âges distincts qui se rapprochent pour échanger le savoir. Il est à noter que la fluidité de la démarche de ses personnages féminins, amplifiée par le flottement des drapés qu’elles ont revêtus, n’est pas sans rappeler quelques personnages préraphaélites. L’espace y est traité de manière frontale, et même lorsque les personnages se meuvent, le fond de l’image, le décor, ne s’éloignent pas. La distance semble effacée, l’échelle du paysage à l’arrière ne varie pas, ce dont les photographies du catalogue attestent de façon très nette.
On retrouve le même procédé filmique dans le « The Path », vision frontale, les personnages évoluent, mais la caméra est fixe. Seule la vidéo « Reflecting Pool», restitue un espace plus « mouvant » par les variations de la luminosité, mais, encore une fois, il s’agit du temps qui passe, pas de déplacement spatial.
Ces partis pris esthétiques, - plan fixe et frontalité, rendent les œuvres de Bill Viola hautement «photogéniques », en en faisant, d’une certaine manière, des images iconiques.
L’eau, les Pompiers et les Symbolistes
Si l’eau est un thème récurrent dans l’œuvre de Viola, il est à noter que la plupart de ses œuvres récentes présentées ici font appel à une postproduction très élaborée ayant recours au numérique. Il n’y a plus comme au commencement de son œuvre un enregistrement de la réalité et de son interprétation par les moyens de la vidéo mais une recréation complète aux allures de réalisme par l’intermédiaire de son imaginaire.
On y retrouve une tendance à la monumentalité, la pompe, le pompeux… jusque dans la notion « œuvres achevées ». Cela donne un effet léché, édifiant qui rappelle certains tableaux des peintres pompiers ….. Que le thème récurrent de l’eau vient renforcer. On retrouve en voyant ces grands « portraits immobiles » de gens sous l’eau prêt à se noyer, le mythe d’Ophélie que les symbolistes, entre autres, ont largement traité, - John Everett Millais en 1852 « Ophelia », et Alexandre Cabanel en 1883 «Ophélie », pour ne citer que les plus connus.
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