Ces modes inédits de mise en jeu ( et en je) du photographique, Esther
SÉGAL a pu les développer parce qu’elle avait produit,
auparavant, des travaux plus conformes aux coutumes de la profession.
En effet, nous avions vus, ailleurs, l’exploitation des richesses des
labyrinthes du métropolitain que les foules pressées, stressées,
ignorent tant leur temps consumé les prive de regard. Le Noir et Blanc
de l’image photo saisie par l’œil aigu qui ne sait pas négliger
le dérisoire apparent, offre des surprises à la portée
de chacun selon un discours qui pourrait s’articuler avec la série
onirique du livre encore inédit, ouvert aux plages noires. Un autre
récit développé dans la suite de paysages d’écritures
poinçonnées. Autres noirs.
Ainsi s’élabore une pensée qui joint, avec mystère,
poésie personnelle, rigueur technique, réflexion conceptuelle,
produisant une œuvre que l’on ne sait nommer, car elle y affirme
comme une intention de décloisonner les pratiques artistiques figées
dans-par des catégories quelque peu obsolètes (mise en crise
des catégories apparues en Italie il y a cinq siècles, lors de
la Renaissance), en vue de l’émergence d’une catégorie
nouvelle … ou de l’annulation de toute velléité catégorielle ?
Ni photo, ni peinture, ni écriture, et tout à la fois, sans pour
cela approcher la synthèse utopique de l’ « Œuvre
d’Art Total » chère au XXème siècle.
Sous ces horizons d’anthracite quelque chose couve dont on peut déceler,
aujourd’hui, les prémices dans ses premiers travaux. Moins certain
drame personnel qu’un invisible dédale au sein duquel se jouent
des transformations de l’art contemporain dans ce qu’il peut dire
des mutations actuelles de l’Histoire.
De telles hybridations, parfois dérangeantes, semblent permettre de
nouveaux modes d’expression, d’exploiter de nouvelles formes de
discours, d’enrichir les significations des matériaux plastiques,
d’ouvrir des horizons insoupçonnés, de provoquer la réflexion,
le penser Et le spéculaire… Tenter d’ouvrir des voies au
renouvellement des pratiques artistiques et, partant, des conceptions esthétiques,
voilà qui ne peut laisser indifférent.
A cet égard, les travaux d’Esther SÉGAL s’inscrivent
dans l’espace de l’art contemporain, en ce que « Le
propre de l’Art contemporain d’avant-garde, dans les arts plastiques,
est de pratiquer une déconstruction systématique des cadres mentaux
délimitant traditionnellement les frontières de l’art [1] »
On le constate- on le voit- le propos d’Esther SÉGAL, parallèlement à la
poétique de se énoncés, interroge avec pertinence les
pratiques artistiques contemporaines, et pas seulement photographiques.
[1] N. Heinich
« L’art contemporain exposé aux rejets »
Ed. Jacqueline Chambon, 1997