Cultures, culture.
Au moment où - de façon quelque peu démagogique et semblable à un rideau de fumée qui dissimule de vrais et lourds problèmes socio-économiques - le débat sur l'"identité nationale" était pompeusement lancé sur la place publique, le Quatrième Colloque International organisé par le Théâtre du Versant de Biarritz, à la mi-novembre 2009, sur le thème passionnant des "Interculturalités" avait déjà proposé au débat l'essentiel de ces questions épineuses, complexes liées à la multiculturalité, au communautarisme, à l'identitaire, à la mixité, à l'échange ou à l'affrontement. Bref, la situation actuelle des sociétés en panne d'utopie, de collectif, et qui se resserrent en sous-groupes, en tribus...
Ce colloque interrogeait les cultures à une époque où elles se trouvent menacées de deux périls contraires : soit peu à peu se fondre dans une méga-industrie culturelle, mondialisée et standardisée, noyant les différences dans le plus petit commun dénominateur du divertissement; soit se contracter sur elles-mêmes, dans un repli identitaire à la fois stérilisant et hostile... Il était ici nécessaire, bien entendu, de faire se rencontrer des intervenants de cultures différentes (africaines, européennes, américaines...), mais également des artistes et des universitaires, des professionnels de la culture et des journalistes, des hommes de théâtre et des créateurs d'autres disciplines. Si les mots "altérité", "passerelle", "interaction", "enrichissement", "transmission", "dialogue", "vivre ensemble" furent souvent prononcés, il serait inexact de dire que ce colloque baignait dans l'angélisme et le bon sentiment. Des problèmes polémiques furent exhumés, en bousculant ces belles phrases qui toujours les enterrent sous leurs stèles emphatiques et pesantes. Par exemple, une intervenante québécoise (Martine Fordin) nous rappela que si l'on citait souvent en exemple (et sans trop de détails) la "multiculturalité" façon canadienne, peu de cas était fait d'un certain nombre de cultures indiennes, inéluctablement condamnées au déclin et à l'oubli. Un autre intervenant (Eric Premel) nous parla avec talent de ces "langues de bois" des gens de la culture, et des périls insidieux engendrés par le libéralisme galopant, qui menacent par la gestion marketing du culturel, la notion d'art.
Dans ce genre de colloque, il ne faut pas attendre de réponse, plutôt de véritables questions, point espérer de faire le point mais, comme aurait dit Deleuze, de "tracer des lignes". Lignes d'expériences, lignes de créativité, de possibles. Les diasporas, par exemple, ouvrent un situation créative d'interculturalité. La coexistence des langues dans le monde, aussi bien qu'au théâtre, loin d'être une malédiction babelienne, est enrichissement. L'interculturalité doit, comme tout ce qui est "entre", s'inventer chaque fois selon les circonstances, historiques et locales. Il fut question, à ce colloque, très concrètement, d'interculturalité à travers les romans, les mariages mixtes, les francophonies, les coopérations culturelles, tandis qu'une étonnante exposition montrait l'histoire complexe des Basques en Argentine.