Identité, identique, le portrait ressemblant ?
Individu : qui ne peut être divisé ou hypostase :
nature, substance
Personne : persona (masque au théâtre) rôle que nous
jouons aux autres et à nous-même sans nécessairement
en être conscient.
Identité privée : l’intérieur, identité sociale :
ce que la personne représente
Les biothechnologies (sciences du vivant) nous incitent à ne plus
considérer que notre corps est immuable et qu’il exprime notre
identité. Le corps est un point d’ancrage de la construction
de soi et de plus il participe à sa construction et à sa lecture
par les autres.
Les oeuvres créées par Andrée Philippot-Mathieu dans
ces dernières années, s’articulent par séries
et témoignent d’un cheminement qui l’a menée, -
dans la recherche d’une plus grande liberté quant à la
pratique de la peinture, de la sculpture et de l’installation -, à la
photographie puis à une hybridation des démarches antérieures
par des procédés numériques qui donnent une nouvelle
valeur au geste pictural.
Depuis 2005 en effet, Andrée Philippot-Mathieu travaille sur l’identité,
personnelle, sociale et culturelle. Dans ses séries, elle traque l’humain
dans sa manière d’être et de vivre, passant de l’intime
au collectif, des portraits aux paysages urbains.
Dans ce livre, elle prend la posture du peintre et du photographe portraitistes.
Tout portrait est traditionnellement présenté comme une tentative
de saisie de la vérité existentielle du modèle. Mais
cette quête autour de l’identité, notion qui a toujours été au
coeur du travail d’APM, est menée là de façon
non prédatrice, non pas avec la volonté de percer l’autre
ou de le capturer dans ses retranchements les plus intimes, mais avec le
désir de laisser parler sa propre manière de percevoir le modèle,
de décrypter et d’interpréter le processus selon lequel
les origines, les expériences et les désirs ont sculpté la
figure sociale de l’individu représenté. S’engager
dans une démarche de portraitiste implique que le regard d’APM
comprenne et capte l’image que l’individu-modèle a construite
de lui-même, puis que l’artiste retravaille cette image avec
ses propres « philtres » et procédés
de transformation.
Qu’il s’agisse de personnes qu’elle connaît ou d’inconnus,
ils deviennent tous, sous l’effet des manipulations qu’elle leur
fait subir, des représentants d’une humanité multiple,
sans unité générationnelle, ni sociale ou géographique.
L’initiative est née du désir de « peindre systématiquement » toutes les personnes qui ont marqué la vie de l’artiste. La première série Frontalement rouge constituée de peintures faites d’après des photographies a donné naissance à une deuxième série, Red paintings, où les tableaux encadrés sont rephotographiés. Le cadre devient alors le bord noir de la photographie et imite le fond perdu dans lequel émerge parfois, sur un tirage, une photographie originale, signe faisant « preuve » pour les experts qu’elle n’a pas été recadrée. Le fond monochrome rouge pose la personne dans une indétermination chaude d’où elle irradie, comme si cette couleur intense la poussait à sortir du cadre et à s’offrir au regard.
Dans la série suivante, Like paintings, elle nous donne à voir
des modèles passagers qu’elle cadre tous de la même façon
pour former une sorte de foule d’anonymes. L’expressivité est
gommée, il s’agit de placer la personne dans une relation d’équilibre
entre ce qu’elle donne à voir et ce qui l’anime.
Dans cette série qui dialogue avec Red Paintings, grâce à des
manipulations numériques qu’elle a réalisé dans
son atelier, Andrée Philippot-Mathieu transforme des portraits photographiques
pour les picturaliser. La mutation est plus ou moins visible : imperceptible
de loin, alors que de près la texture de la peau est visiblement parcellisée
en taches de couleur qui miment les coups de brosse du peintre.