quand l'art renoue avec la littérature
Jeanne Berger : Vous avez la curieuse tendance d’organiser des expositions qui associe des écrivains à la création contemporaine. D’où vous est venue cette inclination ?
Gérard-Georges Lemaire : Ce sont les deux pôles de mon
existences, les deux sphères où j’aime évoluer.
Non pas que je dédaigne
la musique (loin s’en faut), ni la danse, ni le théâtre,
mais ce sont les seuls domaines où je me retrouve tel qu’en
moi-même.
Et puis le hasard a joué. En 2002, Frédéric Mitterrand
m’avait demandé d’organiser une exposition sur Franz Kafka à l’occasion
de la saison tchèque. Ce devait être au départ une manifestation
de caractère historique. Puis les différents aléas de
l’affaire m’ont conduit à travailler avec des artistes
d’aujourd’hui, avec une partie historique réduite dans
la salle du bas. Cette exposition a été ensuite présentée
dans divers lieux : Orléans, Beaugency, quatre lieux du Sud-Ouest
puis, en ce moment, au Centre d’Art Contemporain Eugène Beaudouin à Antony.
Le succès de cette manifestation a toujours été surprenant.
Peut-être parce que j’ai voulu concilier deux exigences a priori
contradictoires : d’un côté, réaliser une
exposition d’art contemporain en tant que telle, de l’autre,
rendre l’existence, les ?uvres et la pensée de l’écrivain
pragois compréhensible à travaux les travaux de créateurs
d’origines diverses.
Cela m’a conduit à proposer ou de me voir proposer d’autres événements
du même genre. C’est le cas à l’heure actuelle à l’Opéra
/ Scène nationale de Nantes et d’Angers : cette institution
a choisi de monter un opéra de Leo Janacek, L’Affaire Makropoulos.
L’idée nous est venue de présenter une exposition avec
un petit groupe d’artistes (Sergio Birga, Anne Gorouben, Denise et
Claude Jeanmart, Nathalie du Pasquier et Catherine Lopès-Curval),
qui ont réalisé des dessins, des gouaches et un film vidéo à partir
des ouvrages de l’écrivain : le Météore,
R. U. R., la Vie ordinaire et, pour la vidéo, une nouvelle, « la
Cartomancienne».
J. B. : Comment travaillez-vous avec ces artistes ?
G.-G. L. : Ce sont en général des commandes. Ce fut le cas pour Kafka dès le début à une seule exception : Sergio Birga avait réalisé dans les années soixante-dix un portfolio de xylographies à parties des livres de cet auteur. Parfois je donne des indications aux artistes, ou des conseils – c’était le cas, par exemple, de Valerio Cugia à qui j’avais demandé de faire une série de portrait de la famille de Kafka. Ils me demandent quelques fois des conseils ou me même un sujet, comme cela s’est avéré avec Vladimir Skoda (je lui avais trouvé un passage du Journal où Kafka racontait un rêve : il avait l’impression qu’une boule géante roulait dans le grenier au-dessus de son lit !). Mais je n’influe jamais sur leur travail proprement dit : tout ce qui concerne l’art pictural, sculptural, cinématographique et encore plus les installation, reste leur affaire. Toutefois, j’ai eu le plus souvent de magnifiques surprises, avec le polyptique de Gianni Burattoni.
Franz
Kafka : devant la Loi,
Espace Eugène Beaudouin,
Antony,
jusqu’au 4 juillet.
Karel Capek,
Théâtre Graslin à Nantes
jusqu’au
6 juin,
Théâtre Le Quai à Angers
du 13 au 15 juin.