Disons plutôt
qu’ils sont d’essence baroque, en se souvenant que ce terme, à l’origine,
servait à désigner une perle aux contours irréguliers.
Difficile de la rapprocher d’une quelconque courant artistique. Si
elle serait plus proche des peintres de l’Expressionnisme abstrait,
elle a dans sa pratique une démarche qui la rapprocherait du spatialisme,
non pas de ce que Lucio Fontana et ses amis ont pu faire au sortir de la
guerre, mais dans l’optique de leur recherche. Et puis il y a une relation à la
matière qui la fait se rapprocher de Jean Dubuffet et d’Alberto
Burri. Mais, en fin de compte, toutes ces analogies ne servent qu’à rendre
une idée assez vague de l’originalité de son travail
car il est impossible de la faire côtoyer qui que ce soit appartenant
au passé récent ou à notre époque. Elle a inventé sa
méthode et son esthétique.
Qu’on observe un grande diptyque comme Jésus
: son registre chromatique se limite au noir, au blanc et à l’or.
Du centre de la composition irradie des cercles concentriques. Des spirales
qui paraissent être
issues de l’immensité vertigineuse d’une galaxie lointaine
se trouvent de part et d’autre d’un cercle central. Toutes
ces formes donnent le sentiment d’être en expansion et se terminent, à proximité des
bords du tableau, par des boucles aux contours changeants. Le fond est
noir et renforce l’idée qu’on peut se forger de l’univers
qui nous enveloppe, de ces espaces infinis qui effrayaient Pascal. Pour
réaliser
cette œuvre, elle a utilisé des perles, de l’obsidiane,
de l’agate noire et de l’onyx. L’usage de ces pierres
et des perles n’est pas fortuit. Il est lié à leur
coloration naturelle. Mais il est aussi associé à leur signification
intrinsèque.
L’obsidiane, l’onyx et l’agate sont ici trois pierres
noires. L’obsidienne, qui doit son nom à l’homme qui,
selon Pline l’Ancien, l’a découvert en Ethiopie, Obsidius,
est un verre volcanique, l’onyx qui, dans la Bible (Genèse),
est distinguée
des agates (qui peuvent avoir de nombreuses couleurs, très différentes
dont le blanc) dont elle se rapproche parce qu’elles sont composées
de couches superposées, et enfin l’agate, qui est presque
de la silice pure, tirant son nom d’une rivière en Sicile à l’époque
des Grecs antiques. Certaines d’entres elles sont associées
au deuil, l’autres aux cauchemars. De telle sorte que cette œuvre
peut être interprétée comme la lumière céleste
illuminant les sombres profondeurs de l’univers rendues par ces pierres
si obscures.
Rossella Faraone a réalisé une composition presque
identique, plus simple, sans les spirales qui toupillent, sans la perle
centrale, dans Bien et mal (2006-2007) qui présente un fond noir
et un dessin presque identique. Elle donne le sentiment d’être
l’étude
préparatoire de Jésus, mais ne laissant rien prévoir
de son caractère circulaire et tournoyant. Le diptyque portant le
même tire, nous offre un dessin moins prononcé : une vaste étendue
de blanc, un peu gris avec des reliefs blancs translucides se terminent
par des contours arrondis, comme s’ils devaient contenir la poussée
d’une autre étendue, noire celle-là, tavelée
de poussière d’or. Cette idée du noir s est d’ailleurs
récurrente dans son œuvre : cela se vérifie déjà dans
Météores (2006), où de plus moins grands reliefs d’or,
dont certains forment des efflorescences lumineuses. On la retrouve dans
Trous noirs (2007), d’où jaillissent des traits et des taches
dorées, qui sont autant d’étoiles fantastiques et de
météores déchirant les ténèbres ou,
dans le tableau, composé deux ans plus tard et portant le même
titre, des arcs de cercles forment un vortex bleu partant d’un centre
en relief qui se déploient sur fond jaune. Le trou noir prend ainsi
plusieurs apparences diverses et donc plus acceptions diverses.
Il est évident que le macrocosme est le sujet de prédilection de l’artiste et qu’elle lui attribue une valeur transcendantale, sinon mystique. Mais les cieux n’ont pas toujours l’aspect si puissamment tragique que l’on ressent devant Jésus ou Trous noirs. La Vision de la planète Cactus (2008) donne la sensation de nous retrouver devant une sphère avec des zones violettes et blanches et des taches jaune d’or sur fond bleu foncé. Cet astre imaginaire est à la fois ludique et fantasmagorique. Quant à L’Etoile naissante (2009), sa surface est plus rugueuse, couverte d’aspérités multicolores : de son centre paraissent jaillirent ces roches qui la recouvrent presque entièrement, recouvrant son épiderme bleu. Enfin, La Planète du dragon dormant (2007-2008) fait apparaître un hippocampe en malachite, souligné par de la poudre d’or. Mais ce tondo peut aussi rappeler un paysage de notre planète vu du ciel présentant un continent inconnu et des mers d’un bleu plus profond que celui que nous connaissons.