Dans un cadre aussi profondément renouvelé, il pourra sembler incroyable que des chefs-d’œuvre restent méconnus. On me dira en effet qu’au Louvre, plus grand musée du monde, visité par plus de huit millions de personnes chaque année, dont les collections font l’objet d’innombrables publications (textes, photographies, films…), aucune œuvre de qualité ne peut être « méconnue », et il en est de même au musée d’ Orsay. Je l’admets… et je propose tout de même un unique exemple caractéristique pour ce qui concerne le Louvre !
Partout ailleurs, nous nous trouvons dans l’univers des « Musées de province », titre d’un cours fort intéressant dispensé à l’Ecole du Louvre dans les années 60. Le professeur démontrait que nombre de tableaux peu ou pas commentés, rarement reproduits, étaient en fait particulièrement accomplis et ne méritaient pas l’obscurité dans laquelle on les tenait. J’ai perdu mes notes depuis longtemps, et j’ignore dans quelle mesure mes choix actuels recoupent ceux de ce maître maintenant lointain. J’imagine cependant que, de Rouen à Grenoble et de Lille à Nîmes, nous nous rencontrons souvent. Le cours ne portait pas sur les dessins, dont les collections françaises sont pourtant richissimes. C’est que leur fragilité imposant de les conserver à l’abri de la lumière, ils étaient rarement montrés. La situation a sensiblement évolué au cours des dernières décennies : des salles ont été spécialement aménagées, particulièrement en ce qui concerne l’éclairage, et l’on a maintenant plus souvent l’occasion de les admirer (au Louvre et au musée Condé de Chantilly notamment). Il n’empêche : on cite peu et on reproduit moins encore de nombreuses merveilles, y compris parmi celles qui sont signées Léonard ou Raphaël, simplement parce que ce sont des dessins.