Diplôme national supérieur d’expression plastique, Ecole
des Beaux-Arts de Caen, 2003.
En 2009-2010, elle a vécu et travaillé à Düsseldorf à l’occasion
d’une bourse DAAD, Kunstakademie, classe du professeur Hubert Kiecol
(intégration art et architecture)
Expositions personnelles récentes :
Juillet 2010, Vues intérieures, Galerie du CAUE, Limoges
Mai 2010 : Deux horizons, Chapelle des Calvairiennes, Mayenne
Novembre 2008 : Points de vue, Château de la Louvière,
Montluçon
Ars memoriae et Denkmalkultus
Les maisons noires flottent sur le blanc du papier, sans sol, sans ligne d’horizon, sans éléments paysagers, sans présence humaine, sans rien qui puisse nous indiquer une échelle : « l’espace vide dans lequel mes maisons sont placées, s’apparenterait plutôt à un espace abstrait, dans le sens d’un espace non mesurable, champ du possible, qui permet une échelle indéfinie. » De ce fait elles ressemblent plus à des maquettes, au modello de l’architecte de la Renaissance, voire à la projection mentale d’un possible qu’au rendu fidèle d’un existant architectural. Espace abstrait mais également mémoriel (l’artiste mentionne parmi ses lectures de prédilection l’Art de la mémoire de Frances Yates). Ainsi les édifices de Maude Maris seraient-ils l’objet d’une remémoration ou d’une commémoration, les souvenirs d’une vie fictive – l’approche largement intuitive de l’architecture par Maude Maris ne dissocie pas le fait constructif de l’espace vécu : en témoignent son intérêt pour l’ouvrage de d’Edward T. Hall, The Hidden Dimension (1966) et cette déclaration : « leur état ‘flottant’ peut effectivement faire allusion à l’émergence d’une pensée, d’un souvenir. En tout cas, s’il s’agit de mémoire, elle serait plutôt sensorielle, renvoyant à l’impression que l’on peut avoir en pénétrant dans un bâtiment dont les proportions nous paraissent inhabituelles (je souligne) » - ou les monuments d’un monde oublié. Non pas le monument où nous l’entendons communément, la construction solennelle ; plutôt l’idée de monument que défini Aloïs Riegl en 1903 dans Der Moderne Denkmalkultus, une idée extensive incluant toute trace significative d’une époque. Si l’on accorde, comme nous l’avons suggéré plus haut, une valeur de commémoration – Riegl distingue trois valeurs possibles du culte des monuments : d’ancienneté, d’historicité et de commémoration – aux Maisons noires, alors elles existent hors du temps, ou plus exactement dans une perpétuelle présenteté : « alors que le culte de l’ancienneté est exclusivement fondé sur la dégradation et que le culte de l’historique veut arrêter toute dégradation mais sans toucher à celles déjà accomplies qui justifient son existence, le culte de la commémoration prétend à l’immortalité, au présent éternel. »
On peut finalement dire que les architectures imaginaires de Maude Maris sont cosa mentale, qu’elles sont l’œuvre d’un hypothétique architecte qui aurait oublié ce que Le Corbusier nomme dans Vers une architecture (1923) les « données utilitaires » au profit de l’ « imagination » et de la « création plastique » : « Le plan de la maison, son cube et ses surfaces ont été déterminés, en partie, par les données utilitaires du problème et, en partie, par l’imagination, la création plastique. Déjà, dans son plan, et par conséquent dans tout ce qui s’élève dans l’espace, l’architecte a été plasticien, il a discipliné les revendications utilitaires en vertu d’un but plastique qu’il poursuivait ; il a composé ».
Yann Ricordel