Pour une grande partie de la philosophie analytique, l’immédiateté des œuvres d’art est discutable dans le sens où toute pratique culturelle nécessite un apprentissage. Même si elle ne remet pas en cause l’évidence des affinités subjectives, il est difficile d’infléchir vers cette théorie au regard de l’œuvre sculpturale si imposante de Baselitz. Commencée en 1980 à l’occasion de la biennale de Venise pour laquelle il investissait le pavillon allemand, sa sculpture met, de même et encore plus que dans ses toiles, la figure humaine au centre de son art. Sa première œuvre « Modell für eine Skulpture » traduite par « Modèle pour une sculpture » introduit l’exposition au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris. Taillée dans du bois à la hache et à la tronçonneuse tout comme les autres sculptures réalisées, elle se distingue néanmoins par la position du personnage à même le sol, ni tout à fait assis ni tout à fait couché et par le geste du bras droit qui, contre les dires de l’artiste, fut assimilé à un salut hitlérien.
La sculpture de Baselitz donne dans toutes ses œuvres une impression d’ensemble extrêmement cohérente, fidèle à ses principes de base : matériaux, mode de travail, sujet. On retrouve également déjà dans sa première sculpture les principes plastiques qui le caractérisent : asymétrie, allure d’inachevé, linéarité dans sa forme brute, traces de peinture éparses pour donner corps au relief et absence de recherche réaliste dans la silhouette.

Ses dix premières années de sculpture se partagent essentiellement entre les « têtes » et les « figures debout ». Celles-ci semblables à des totems par leur étirement vertical, paraissent monumentales, et atteignent pour la plupart une hauteur située entre deux mètres cinquante et trois mètres. Ces œuvres étant réalisées dans un tronc d’arbre, le bas du tronc est souvent laissé tel quel ou juste peint et apparait comme un socle voire même un piédestal, rappelant peut-être que nous sommes bien ici dans une interprétation de la figure humaine que l’artiste nous donne à voir. Cet aspect de mise en présentation des sculptures par un dispositif intégré à même l’œuvre se retrouve dans l’œuvre « Der Rote Mann » (« L’homme rouge ») mais cette question n’est pas soulevée par l’exposition. Cette dernière évoque cependant une « sculpture extraite du sol » à propos des « figures debout ».