Un spectacle fort, envoûtant que cet "Urgent crier !", mis en scène et interprété par Philippe Caubère, à la Maison de la Poésie. Sur le ton de l'entretien, d'abord, presque de la causerie bonhomme, pendant deux heures l'immense acteur a évoqué la figure d'André Benedetto. Un acte d'admiration, d'adoration. Et manifesté déjà par un florilège... Il nous a dit trois textes de maturité de Benedetto : l'un sur Jean Vilar et le Festival d'Avignon, un autre sur Artaud et Marseille, enfin un éloge dédié à Gilles Sandier (le grand critique de théâtre). Il a récité ensuite de superbes extraits des "Poubelles du vent", textes poétiques et politiques. Les beatniks, le bouillonnement utopiste de 1968 et les heures chaudes de la contestation. Il y a eu ce miracle, pour le spectateur, d'un voyage dans le temps et l'espace, rien que par des paroles habitées pleinement.... Pour ceux qui ne connaissent pas André Benedetto, il ne faut pas se contenter, bien entendu, de rappeler qu'il fut le président du Festival "Off" d'Avignon, mais insister sur son génie de poète militant, de dramaturge, de penseur, d'utopiste exalté, et sur ses multiples talents de comédien. Et Caubère a fait revivre Benedetto - cette figure phare des années 70, mais qui fut vite oubliée, minimisée - non seulement par tous les textes précités, mais en plus par une imitation, une incarnation posturale, vocale. D'où l'audace de cet accent marseillais permanent, marqué, accent qui reste dans le théâtre officiel (ou parisien ?) un stigmate, une faiblesse, ou bien l'accompagnement d'un spectacle comique. Dans ce spectacle, Philippe Caubère exprime sa passion pour quelqu'un qui lui aussi aimait follement des êtres (auteurs, metteurs en scène, acteurs, etc.) dont la carrière elle-même fut une suite d'hommages. Et le spectateur, dans cette forme en abyme, perçoit le flambeau de l'idéal théâtral, passé de main en main... Benedetto, Caubère, figures charismatiques. L'amour du théâtre occupe ici toute la scène. Il investit l'espace mental...