Et là encore, l’histoire nous fait valoir les antécédents importants dans ce domaines, par exemple les inscriptions païennes des Romains ou religieuses des Byzantins, et les phylactères des tableaux du Moyen Age donnent la parole à ses personnages sacrés !
Pour commencer par le commencement, Carlo Marcello Conti a désiré inventer des signes qu’il dépose sur le papier, comme l’aurait fait un peintre chinois, de manière spontané au terme d’une longue méditation. Ces signes n’ont de poids et de sens que dans le champ de son imagination. Ils ne se réfèrent à aucun langage connu. Ils ne se prononcent pas. Ils ne constituent pas un système. C’est une langue inconnue qui prend racine dans les tréfonds de son inconscient.
Il ne saurait cependant se limiter à la déclinaison d’un alphabet fictif qu’il pourrait développer sans fin. Il a sans cesse élargi le champ de son expérience, mais s’imposant des règles : il joue avec des lignes imprimées qu’il sectionne et décale, ou il biffure une page imprimée ou manuscrite. Il éprouve aussi le désir de jouer avec les mots (un groupe très restreint de mots pour dire la vérité, cela fait partie de ses règles) en les associant avec des plans géométriques assez simples. Inseguendo la parole (1987) exprime sa volonté d’installer le titre dans le tableau -, un titre faisant partie intégrante du tout de sa recherche, en lui attribuant une autre signification après en avoir détourné le dispositif initial, qui pouvait être un pur monochrome.
Cet amoureux de la langue, qui a connu de très nombreux acteurs de la littérature d’avant-garde en Italie, a entrepris de pousser ce rapport entre peinture et écriture le plus loin possible dans une suite de compositions en relief où il couvre un carton de lettre, à l’intérieur et à l’extérieur en enfermant, par exemple, les lettres du mot « poesia » dans des cœurs. Les lettres composant les mots « poesia » « poemi » sont la matière première de ses digressions plastiques. Ce sont en général des majuscules. Et parfois il utilise les instruments de ses créations de crayons, alignés avec soin pour constituer une gamme de couleurs, comme on le voit dans « Il libro della matita nel suo punto il più alto » (« Le livre de la poésie en son point le plus haut »), un crayon séparant les deux côtés de l’ouvrage en son sommet. Il a aussi recours à de grandes feuilles qu’il couvre encore et toujours de ces lettres chaque fois identiques et chaque fois autres et qu’il fait sortir de ces boîtiers ready-made.