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Les artistes et les expos
Les tableaux à transformation de Zwy Milshtein |
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par Gérard-Georges Lemaire |
Boîtes à secrets, Milshtein, Arearevue(s).
Lexposition des tableaux réunis sous ce titre a eu lieu à la galerie Area à Paris. Le Chant du chien, Milshtein, « Autoportrait », Cercle dArt.
Cette pièce a été créée dans une mise en scène de Valery Dekowski le 18 octobre à lEspace Rachi à Paris.
A consulter : Voyage autour dun échiquier, Milshtein, Editions Recherches. Petites confidences, Milshtein, Area. |
Son écriture, son inspiration se sont profondément modifiées au fil du temps. Mais jamais lesprit qui régente son microcosme pictural na changé. Ce sont des visages diaphanes, des figures fantomatiques qui paraissent flotter et se fondre les unes dans les autres, de petites scènes à la fois émouvantes et drolatiques arrachées au passé. Cest dabord la Russie de Staline où lartiste a passé son enfance qui ressurgit dans ses tableautins. Il a imaginé dans ses Boîtes à ses secrets daménager un panneau coulissant qui, une fois déplacé, transforme le sens de la composition. En sorte que, par exemple, La Promenade dominicale devient Le Rêve de Madame. Le panneau de gauche, en glissant vers la droite, fait disparaître plusieurs têtes et un ours en peluche pour faire apparaître une femme nue allongée, un bras passé derrière la tête, tandis que des personnages se penchent pour la contempler. La plupart de ses compositions dévoilent dailleurs des rêveries érotiques dans un décor profondément ancré dans la mémoire, se déroulant dans des intérieurs aussi flous que surannés (Le Dernier arrivant, La Salle dattente, Le Lapin révolutionnaire, Le Rêve dAmélie). Mais son érotisme est nuancé par une pointe dironie et même dhumour et par une manière de peintre volontairement gauche et naïve. De plus, toutes ces visions sont issues dune période lointaine et semblent émoussées par lépreuve du temps. Dautres scènes rappellent ce que fut lUnion soviétique, la nature de ses mythes et de ses constructions idéologiques. Milshtein sest souvenu de la photographie de Pavlik Morozov, ce jeune pionnier qui, par ferveur patriotique et par fidélité au marxisme avait dénoncé son père aux autorités pour activités anti-soviétiques. Peu après, il avait été tués par des membres de sa famille et élevé au rang de héros de la Mère Patrie du socialisme. Son histoire, il la traduit dans Une famille bien tranquille et Avant le déluge. En outre, il accompagne ses oeuvres dun récit. Et, dans ce cas précis, il raconte comment, en 1943, en classe, on lui avait vanté le courage et la valeur du jeune garçon qui devait être un exemple pour tous les écoliers (Eisenstein consacra à son destin son dernier film un film quil ne parvint à achever, devant refaire la fin à linjonction du Petit Père des peuples). Bien plus tard, on lui a fait comprendre que Pavlik Morozov nétait quun voyou « expert en délation». Et de conclure: « Jai eu un tel choc que jai écrit une lettre à lambassade soviétique en leur signalant primo: Que leur Pavlik Morozov mavait déjà valu 10années de psychanalyse et maintenant avec la déclaration de Gorbatchev, jen aurais encore pour 10 ans. secondo: Voici la note de frais: 3 fois par semaine à raison de 50 francs
Faites sil vous plaît le compte vous-mêmes. Jespère que vous assumerez les frais. Inutile de dire que je nai jamais eu de réponse».
Si les contes picturaux de Milshtein ont tous une tonalité grinçante, ils nen sont pas moins chargés dune haute poésie, teinté dune singulière nostalgie. Une impression indéfinissable se dégage de ses panneaux sur bois, une impression ambiguë car tous se révèlent dune forte causticité et dune acidité mordante tout en distillant une atmosphère douce et onirique. Leur beauté naît de ce contraste incongru. Et leur puissance en découle également bien quon ait le sentiment de ne pas pouvoir saisir ces formes fuyantes et ces scènes évanescentes auxquelles la matière pigmentaire donne une illusion de matérialité. Lensemble constitue une sorte dautobiographie fantasmée. Il y a quelques années, Milshtein avait écrit une oeuvre de fiction baptisée Le Chant du chien. Cétait lhistoire dun homme qui, désireux, à légal de Faust, de conquérir la jeunesse éternelle, vend son âme au diable (comme il se doit). Cette folie lentraîne dans une histoire nécessairement insensée qui lentraîne à Venise, puis dans les entrailles de la Terre. Lan dernier, ce livre a été adapté au théâtre. Cette fantaisie a trouvé sur les planches encore plus dabsurdité et de drôlerie, avec ses personnages grotesques et truculents et ses situations abracadabrantes. Lunivers de Milshtein est tellement attachant (en même divertissant et noir) que dune sphère artistique à lautre il ne cesse de prendre plus de poids et de puissance.
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Gérard-Georges Lemaire |
mis en ligne le 30/07/2007 |
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