Le FRAC Lorraine, jusqualors dépourvu despace dexposition fixe, vient demménager dans lHôtel Saint Livier, situé au centre de Metz, ancienne demeure patricienne féodale construite par les familles nobles de la ville. La réhabilitation de ces lieux historiques vient dêtre achevée sous la responsabilité de larchitecte Jean-François Bodin. Le FRAC Lorraine est détenteur dune collection de près de six cents uvres, photographies, sculptures, vidéos et installations, valorisant en particulier le travail de femmesLe grand Monde antique
Les éditions Hazan publient une collection faisant office dintroduction à des périodes de lhistoire de lart baptisée « LAtelier ». Les livres sont agréables à manipuler, plaisant à lire et bien informés. Le dernier titre en date, Le Gothique international, nous présente un moment très particulier de lart en Occident, à cheval entre le Moyen Âge et la Renaissance, avec des différences notables entre les différents pays. Cest sans doute lun des plus fascinants et Ines Villela-Petiot sest bien sortie de cette tâche qui na pas dû être simple. Indispensable pour sinitier à un monde en mutation. Louvrage intitulé Du gothique à la Renaissance devrait compléter le précédent. Il sagit de monographies des maîtres du début de cette révolution profonde des connaissances, de la vie sociale et politique et des arts. Le choix des artistes peut surprendre (labsence de Cimabue est presque sidérante) et on se demande pourquoi lon va aussi loin que Masaccio et Lippi. Cest vraiment regrettable car une présentation des maîtres qui ont marqué de leur empreinte cette transition manque à lheure quil est.
Le Gothique international, Ines Villela-Petiot, Hazan/Louvre.
Du Gothique à la Renaissance, Hazan.
La somme de Panofsky sur Dürer reste un modèle du genre. Le rééditer est non seulement nécessaire pour les spécialistes, mais aussi pour qui veut apprendre à connaître les maîtres dautrefois sans tomber dans les leurres de la mythologie du génie immortel ni dans la dissection historiographique. Lauteur de Melancolia est ici restitué dans toute la richesse de son existence et la profondeur de sa recherche, à partir de son contexte dans toute sa complexité (existentiel, historique, artistique, culturel, scientifique), mais aussi de sa démarche propre. Ce livre demeure aujourdhui un modèle qui na pas été dépassé loin sen faut.
Avec son étude sur Le Titien, Panofsky a montré quels avantages apportent sa méthode de travail telle quelle a été présentée dans ses Essais diconologie (Gallimard, 1968). Aucune méthode nest parfaite, celle-là pas plus quune autre. Mais cest au moins la plus respectueuse de luvre picturale. Elle permet aussi dexplorer les différentes significations après avoir soigneusement analysé ses bases matérielles, historiques, culturelles. Les conférences réunies dans ce volume permettent de traiter de chaque question avec la même perspective, mais chaque fois en posant des questions spécifiques. Et cest chaque fois loccasion dexplorer une des grandes problématiques de la Renaissance comme, par exemple, la relation avec la littérature antique, comme on le constate, par exemple, dans « Le Titien et Ovide ». Mieux connaître Le Titien en connaissant mieux tous les paramètres de son temps et de son horizon littéraire, artistique et scientifique, voilà ce que nous offrent ces parleries de Panofsky, précieuses et incontournables.
La vie et luvre dAlbrecht Dürer, Erwin Panofsky, préface de François-René Martin, tr D. Le Bourg, Hazan.
Le Titien. Questions diconographie, Erwin Panofsky, préface de D. H. Bodart, tr. E. Hazan, Hazan.
Qui na jamais vu lune ou lautre des illustrations de ce Kâma Sûtra publié au XVIIe siècle à Bikaner ? Mais de les retrouver pour la plupart réunis en petit volume élégant est un grand plaisir quon ne saurait bouder. Lintroduction de Wendy Doninger nest guère passionnante (elle enfonce des portes ouvertes) et on aurait préféré que le texte soit reproduit à côté de ces merveilleuses miniatures, qui allient érotisme et esthétisme, ce qui est devenu chose rare à lépoque des parties fines de C. M. Évidemment, tout le monde nest pas adepte de Kierkegaard et lon veut ignorer que la liberté que suppose lérotisme conjugue intimement la bestialité et le sublime. Cest une réconciliation peut-être ambiguë mais en tout cas profonde avec le divin, celle des mystiques étant une quête de labsolu qui retranche le contingent au nom de limmanent.
Le Kama Sûtra de Bikaner, Wendy Doninger, Gallimard.
Cest de notoriété publique : les expositions de lInstitut néerlandais de Paris sont remarquables. Celle qui a été baptisée Regards sur lart hollandais du XVIIe siècle et qui rassemble des uvres de la collection de Fits Lugt et de celle des frères Dutuit était exceptionnelle. Limposant et sérieux catalogue qui en conserve le souvenir en témoigne amplement. On y trouve de merveilleux portraits exécutés par Hendrick Pot, Adrian van Ostade, Esaias Boursse, Pieter Codde, avec toutes ces femmes et ces hommes vêtus de noir, des paysages féeriques, comme ceux Jan Hackaert ou de Jan Lievens, des intérieurs métaphysiques ou cocasses (comme celui peint par Jacobus Vrel). En somme, sans faire des énumérations fastidieuses, ces collections recèlent des trésors inestimables qui sont enfin accessibles dans un superbe volume extrêmement bien documenté. Ah, si les instituts français à létranger pouvaient prendre modèle sur cette magnifique vitrine de la Hollande
Mais il ne sert à rien de rêver
Regards sur lart hollandais du XVIIe siècle, Fondation custodia/Adam Biro.
Michel Ragon a signé une très honnête vie de Courbet. Il y en a eu déjà beaucoup et, récemment, dassez mauvaises. Il a étudié avec soin le parcours de cet artiste dun talent incomparable mais qui va être victime de sa vanité et de sa vantardise. Quon se plonge dans le récit de sa participation à la Commune de Paris. Dabord président de la Commission des artistes, il se voit confier le soin de rétablir le fonctionnement des musées et dassurer la continuité du Salon, et le même jour dabattre la colonne de la place Vendôme. Il nen a fallu pas moins pour accuser le peintre den avoir ordonné la démolition. Mais il avait eu limprudence den avoir eu lidée peu de temps auparavant et, condamné, il na dautre ressource pour sortir de la prison de Sainte-Pélagie que den proposer le remboursement intégral grâce aux deux toiles qui avaient été saisies. Ragon analyse ces événements avec prudence et grand soin et rétablit des vérités. Courbet avait bien du génie mais sest souvent montré maladroit face aux événements. Et il en a payé le prix fort.
Gustave Courbet, peintre de la liberté, Miche Ragon, Fayard.
Le petit monde moderne
Lhistoire de lart moderne présentée par Florence de Méredieu est dautant plus précieuse quelle ne ressasse pas les chronologies plus ou moins heureuses et, surtout, plus ou moins tendancieuse quon a lhabitude de trouver aujourdhui. Elle a une volonté encyclopédique qui se traduit par le traitement de grands thèmes, consacrant par exemple toute une partie sur la couleur et une autre sur la lumière. Les matériaux y tiennent une place considérable. On y trouve des entrées comme le langage ou lespace, le temps, la vitesse. En somme, cet imposant volume constitue une autre façon de pénétrer dans les arcanes de la modernité, avec intelligence et aussi avec la possibilité de se retrouver dans le foisonnement dexpériences qui ont eu lieu tout au long du siècle précédent.
Histoire matérielle et immatérielle de lart moderne, Florence de Méredieu, Larousse.
Que reste-t-il de lenseignement du Bauhaus ? Cet établissement est devenu un tel mythe dans lhistoire de lart du siècle passé quon a perdu de vue sa réalité et sa finalité. La publication des Cours du Bauhaus de Paul Klee, avec de magnifiques fac-similés de ses notes préparatoires nous fournit loccasion rêvée de se demander est-ce que les grands artistes font de grands pédagogues ? Comme Kandinsky, Klee sest servi de sa position magistrale pour élaborer une théorie de la peinture qui est avant tout la sienne propre et non une méthode permettant à des jeunes gens de sinitier au métier. Lartiste sinterroge et partage ses préoccupations avec ses étudiants. Est-ce une théorie ? Il sagit là plutôt dune méditation à voix haute où il tente de sexpliquer le processus de la création plastique. Il nest pas innocent que Klee commence son cours en comparant létude de luvre dart à lanalyse en chimie. Bien sûr, il serait intéressant de compléter cette étude avec ce quil a pu réaliser dans les ateliers de reliure ou de peinture sur verre où laspect pratique passe au premier plan. Lart moderne peut-il senseigner ? Peut-être pas ou sinon par lexemple. Cest ce que semblent prouver les écrits de Klee.
Lexposition de Klee au Musée dart moderne et contemporain de Strasbourg a donné lieu à un superbe catalogue. Celui-ci, maintenant que lexposition est achevée, permet de prendre toute la mesure de létonnante aventure plastique de lartiste suisse. Laspect le plus remarquable de cette revisitation de son uvre est quelle ne constitue jamais un système et quelle ne fonctionne pas par cycles. On éprouve même le sentiment quelle est sous-tendue par une poétique plus que par une conception de lart. Plusieurs peintres cohabitent en lui et travaillent à des conceptions sensiblement différentes de lespace pictural. Leur point commun est de ne pas chercher à faire des tableaux monumentaux mais, au contraire, de produire des ouvrages menus qui sont plus proches de lesquisse ou de lébauche. Klee se plaît à saisir léphémère et lémotion dun moment précieux mais infime. Cela ne lempêche pas de construire ses aquarelles ou ses huiles avec une science consommée et une application rare. Klee a travaillé dans ce paradoxe. Cest ce qui rend unique ce quil a accompli.
Cours du Bauhaus, Paul Klee, tr. Claude Riehl, Hazan/Musées de Strasbourg.
Paul Klee et la nature de lart, Hazan/Musées de Strasbourg.
Les musées Picasso se multiplient et les ouvrages sur son compte continuent à paraître en quantités astronomiques. Il faudra bientôt construire une Très Grand Bibliothèque Pablo Picasso pour les conserver. Lexposition qui lui est consacrée à Céret ajoute un bel ouvrage, qui démontre que Picasso a voulu ne rien ignorer : la terre cuite, la céramique, la faïence, les bijoux, rien, vraiment rien na échappé à sa voracité. Ce volume fournit loccasion de découvrir cet attachement de lartiste pour les arts dits mineurs, surtout à la fin de sa carrière. Une partie est consacrée au décor de théâtre, mais ce thème nest ici traité que de manière fragmentaire. Cela fait tout de même un beau catalogue plutôt destiné à ceux qui veulent découvrir les aspects moins connus de lénorme manufacture picassienne.
Picasso, peinture dobjets, objets de peinture, Gallimard.
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