Un premier amour,
Maxime Gorki, préface de François Eychard, Le Temps des cerises. |
Le recueil de nouvelles de Maxime Gorki Un premier amour que présente avec justesse François Eychard est passionnant car il nous fournit une autre image de lécrivain soviétique. Celui-ci démontre une volonté de sinterroger sur la féminité et tout ce quelle implique. « Un premier amour » est un récit où un homme (à la fois lamoureux transi et lauteur qui sinterroge) séprend dune jeune femme et parvient à la convaincre de vivre avec lui. Ce nest pas tant la relation amoureuse qui est ici importante, mais les mouvements secrets qui animent lhéroïne. Cest très beau et très subtil, dune incroyable finesse dobservation. Derrière les traits bourrus et ingrats de Gorki, derrière lauteur réaliste et engagé se cacherait-til une sorte de Flaubert russe fasciné par les mécanismes imprévisibles et imprescriptibles du sentiment de la femme ?
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Anthologie des humanistes européens de la Renaissance,
édition de Jean-Claude Margolin, «Folio classique», Gallimard. |
L Anthologie des humanistes européens de la Renaissance que propose Jean-Claude Margolin est un outil de travail extrêmement précieux. Mais elle pose tout de même un problème important puisquon y trouve des écrits de Jean Calvin ou de Galilée qui ne me semblent pas des figures du Rinascimento, mais dune tout autre période. Il est vrai quil existe un décalage entre les pays dans loptique de cette énorme et perfide manufacture de la pensée. La Renaissance française commence à peu près quand sachève la Renaissance italienne. Même chose pour les regroupements par nationalité Jean Lemaire de Belges, tout flamand quil est devient un auteur français ! Cest dailleurs ce point de vue français qui est le plus gênant : notre compilateur est persuadé que lhumanisme est chose gallicane. Chacun peut cultiver ses fantasmes à son aise. Mais, dans ce cas, il aurait dû abandonner la notion de Renaissance, surtout quand on veut défendre lidée aberrante de suprématie française. Si lon ne conserve plus que loptique de lhumanisme, que diable vient faire Thérèse dAvila dans cette galère ? |
Cent ans de littérature mexicaine,
Philippe Ollé-Laprune, Editions de la Différence. |
Philippe Ollé-Laprune a conçu une imposante anthologie de la littérature mexicaine du début du XXe siècle à nos jours. Le plus curieux est quen suivant un principe chronologique, nous voyons apparaître Octavio Paz presque au début de cet ouvrage. Avant lui, il y a un certain nombre dauteurs qui me sont presque tous inconnus, à lexception dAlfonso Reyes dont javais lu le journal parisien. La plus grande découverte dans la première partie de ce volume a certainement été le stridentisme, ce courant davant-garde du début des années 20 (qui conclue son manifeste en sexclamant : « Vive le mole de dindon ! ») et dont le principal protagoniste a été Manuel Maples Arce. Mais, je reste sur ma faim. Dautres poètes sont cités et lon ne sait rien de limpact de ce mouvement par définition éphémère sur la culture mexicaine. Lauteur a voulu malgré tout (et cest un défaut qui se propage comme la peste) mettre laccent sur les dernières décennies. Si bien que se bousculent une foule de noms dont on ignore tout de ce côté de lAtlantique. Jai été étonné de trouver parmi eux celui dAlvaro Mutis. Sans doute habite-t-il à Mexico depuis longtemps, mais son oeuvre, pour lessentiel, concerne la Colombie. Alors pourquoi ne pas y avoir inclus Garcia Marquez qui se trouve dans la même situation ? Bientôt, il faudra y ajouter Vallejo, qui vient de prendre la nationalité mexicaine ! En somme, le Mexique absorberait la quasitotalité de la littérature colombienne ! Il est indéniable que cette anthologie va permettre de faire des découvertes. Mais peut-être aurait-il fallu que son auteur fasse des efforts de présentation plus conséquents et, peut-être, de nous initier à lesprit de la modernité au Mexique qui paraît presque impalpable quand on suit ses traces. |
La Brèche,
Vladimir Makanine, «LImaginaire», Gallimard |
Vladimir Makanine a représenté la nouvelle vague de la littérature russe, étant lun de cette génération dauteurs dite des « quarante ans ». La Brèche est un récit qui déploie une métaphore : celle dun monde inquiétant, frappé par la pénurie et peut-être par une sourde répression. Un homme, Klioutcharev sort acheter une pelle pour pouvoir se creuser un abri. Ses faits et gestes révèlent cet univers où il vaut mieux vivre caché. Entre Les Souterrains de Dostoïevski et « Le Terrier » de Kafka, cette histoire met en évidence les rouages dune terreur qui na plus besoin de se matérialiser. |
Bourlinguer |
Escales en Méditerranée,
Henri de Régnier, préface de Marie de Laubier, Buchet/Chastel. |
Belle idée que de rééditer Escales en Méditerranée dHenri de Régnier. Lauteur de La Double maîtresse, délaissé aujourdhui, a été de ces esthètes voyageurs. Il fut même lun des membres fondateurs de ce club des longues moustaches qui tenait ses assises au Caffè Florian à Venise. Il na pas cessé de naviguer sur le Mare Nostrum, avec ravissement, mais aussi avec un certain désabusement, ce qui donne à son récit un caractère mélancolique. Ce nest pas un voyageur fanatique comme ont pu lêtre Chateaubriand ou Lamartine. Il na pas la curiosité inlassable de Nerval ou de Gautier. Et encore moins le goût prononcé de lOrient comme Pierre Loti, quil rencontre à Istanbul. Non, il goûte à ces choses quil napprécie quen fonction dun désir éphémère et renonce à tant dautres par pur caprice. Il nen reste pas moins un livre attachant et qui nous donne le sentiment dun passage entre deux visions de lart du voyage.
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LAventure en bottes de sept lieues,
Francis Lacassin, Editions du Rocher |
Francis Lacassin nous offre un délicieux manuel pour nous guider dans la sphère de laventure humaine. Chaque fois, il prend un auteur (écrivains à la recherche de sujets exotiques ou mémorialistes) pour traiter une question : nous suivons le Père Huc dans les confins de la Chine du milieu du XIXe siècle, nous traversons le Tibet avec Alexandra David Neel, nous découvrons les Cévennes avec Robert Louis Stevenson. Lacassin nous raconte, avec le talent dun oncle Paul, les 55 jours de Pékin ou la vie des flibustiers de lIle de la Tortue au XVIIe siècle. Il nous fait faire la connaissance de Jack London, dAlbert Londres ou de Joseph Kessel. Dans ce livre où lon ne peut jamais sennuyer il redonne à laventure ses lettres de noblesse et exalte sa littérature. Sans compter quil nous rappelle certains points dhistoire qui auraient pu nous échapper comme la fondation de Shanghai et le développement des concessions obtenues après la guerre de lopium. Un régal. |
Le Dixième arrondissement,
Thomas Clerc, LArbalète/Gallimard. |
Thomas Clerc a sans doute éprouvé le désir de devenir le nouveau « piéton de Paris ». Mais ses promenades dans Paris sont dune tout autre nature que celles accomplies par Léon-Paul Fargue. En premier lieu, elles ne concernent que le Xe Arrondissement. Ensuite, elles se déroulent selon un protocole précis (selon les cas) et effectuent un quadrillage des quartiers (quadrillage qui na rien de systématique, ni même de logique). Rien à voir avec les errances aléatoires de lauteur de Refuges. Il effectue une sorte de décryptage des rues, des lieux, des noms, des histoires et aussi des êtres quil croise. Cest un livre curieux, surprenant et assez intrigant. Quelle que soit la bizarrerie de ses menées urbaines, Thomas Clerc nous fait redécouvrir un coin de Paris qui est sans doute le plus cosmopolite. |
Desassossego, Lisbonne et Pessoa,
Aldo Soares & Laurence Sarah Dubas, «Lieux et écrivains», Gallimard. |
Aldo Soares et Laurence Sarah Dubas nous attirent dans la Lisbonne de Fernando Pessoa. Ils en révèlent lomniprésence par des vues de la ville, des coins de rue, des objets et aussi des compositions photographiques. A partir des très rares objets personnels ayant appartenu à lauteur aux multiples hétéronymes qui se trouvent dans son musée (une paire de lunettes, un carnet, etc), ses univers physique et mythique sont reconstitués page après page. Quelques citations viennent compléter ces clichés qui sont destinés à nous plonger dans la rêverie plus que dans la connaissance de loeuvre.
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