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Entretien
« Une uvre dart na pas besoin de coûter des centaines de milliers de dollars pour être dart » ! |
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Entretien de Béatrice Josse, Directrice du FRAC Lorraine, avec Thierry Laurent |
Le FRAC Lorraine, jusqualors dépourvu despace dexposition fixe, vient demménager dans lHôtel Saint Livier, situé au centre de Metz, ancienne demeure patricienne féodale construite par les familles nobles de la ville. La réhabilitation de ces lieux historiques vient dêtre achevée sous la responsabilité de larchitecte Jean-François Bodin. Le FRAC Lorraine est détenteur dune collection de près de six cents uvres, photographies, sculptures, vidéos et installations, valorisant en particulier le travail de femmes artistes. Sur la haute tour -pigeonnier du bâtiment, on peut lire, en grandes lettres blanches, les inscriptions 49°N et 6°E, signalétique qui indique les coordonnées géodésiques du lieu, marquant ainsi la volonté du FRAC Lorraine de se déconnecter du seul contexte local par le biais dun élément de positionnement universel. À loccasion de cet événement, Verso a voulu interroger Béatrice Josse, Directrice du FRAC Lorraine, sur la pertinence dune institution, mise en place au début des années 1980 sous le ministère de Jack Lang.
TL.. Commençons par une question simple. Vous êtes Directrice dun FRAC, tout particulièrement du FRAC Lorraine. Léquivalent du poste de Conservateur pour un musée ? Dois-je vous appeler Madame la Directrice ?
BJ. Certainement pas. Je ne suis ni Directrice, ni Conservatrice. Je naime pas tellement les distinctions hiérarchiques en usage dans les administrations culturelles.
TL.. Quest-ce quun FRAC ?
BJ. « Fonds régional dart contemporain » ! Autant dire une utopie ! Lidée, à lorigine, est de permettre aux régions dacheter des uvres dartistes vivants, et ensuite dorganiser des expositions avec ces uvres sur lensemble du territoire. Il sagit aussi de contacter des publics nouveaux, qui jusquà présent navaient rien à voir avec lart, en particulier lart contemporain.
TL.. Trois principes donc à lorigine des FRAC : acheter de lart, exposer de lart, et contacter de nouveaux publics.
BJ. Lidée était de mettre en place des structures non muséales, des collections sans mur, et daller, tous azimuts, vers tous les publics. Jappelle cela une utopie.
TL.. Pourquoi une utopie ?
BJ. Parce quon sest aperçu que les uvres étaient finalement appelées à disparaître de par leur aspect éphémère, souvent immatériel, propre à lart contemporain. Le problème de la conservation des uvres sest donc vite posé. Certaines uvres entreposées sont trop fragiles pour être transportées. Nous avons donc des uvres, certes, mais leur diffusion savère difficile.
TL.. Donc, Vous stockez des uvres que vous ne montrez à personne ?
BJ. On les montre, mais on ne peut pas sortir toutes les pièces de notre collection en même temps. On les montre par roulement. La plus grosse exposition, chez nous, sest déroulée en lan 2000, il y avait vingt lieux en Lorraine, on a du sortir environ 300 pièces sur six cents.
TL.. Les FRAC à lorigine devaient être financés à cinquante pour cent par lÉtat et cinquante pour cent par la région. En est - il toujours ainsi ?
BJ. LÉtat a tendance, pour ce qui est du FRAC Lorraine, à limiter sa participation. Il nen demeure pas moins que le financement des uvres revient principalement à lÉtat. En revanche, le budget de fonctionnement, qui va saccroissant, est assuré par la région. Dans dautres régions, la parité est en revanche maintenue.
TL.. Les budgets des FRAC sont-ils équivalents dune région à lautre ?
BJ. Pas du tout. Il y a plein de disparités. Par exemple, le FRAC NordPasde-Calais est un des plus gros FRAC de France. Certains FRAC sont plus en avance que dautres. Nous sommes un peu en retrait par rapport à certains FRAC.
TL.. Je constate sur votre document comptable que vous avez un budget annuel, toutes actions confondues, de 922 083 euros (547 923 euros de la Région et le reste du Ministère de la culture). À quel niveau situez-vous dans léchelle des vingt trois FRAC, puis quil y a un FRAC par région ?
BJ. Nous sommes devenus un « moyen gros » FRAC. Notre budget a doublé par rapport à celui qui nous était alloué, il y a quelques années. Mais détrompezvous, il ny a pas vingt-trois FRAC. Les FRAC ne sont plus que dix- neuf en tout. Certains disparaissent.
TL.. Comment un Frac peut-il disparaître ?
BJ. Les FRAC ne sont pas garantis par une loi, mais par une simple directive ministérielle. Tous les FRAC sont menacés de disparition. Cest même à mon sens la politique actuelle : faire fusionner les FRAC avec dautres centres dart ou des musées. Cela sest passé pour le FRAC Midi-Pyrénées qui a fusionné avec un musée, le FRAC Rhône-Alpes, qui a fusionné avec un centre dart, ce qui risque dêtre aussi le cas du FRAC de Dijon dont certains souhaitent la fusion avec un centre dart et une école dart.
TL.. Sommes-nous en train de vivre lagonie des FRAC ?
BJ. Je le pense. Les FRAC sont des structures en voie de disparition.
TL.. Quel sentiment cela suscite-t-il en vous ?
BJ. Je ferai tout, à mon niveau, pour que les structures des FRAC survivent, néanmoins, je suis favorable à toute évolution, par principe. TL.. Si vous aviez un argument en faveur
BJ. Lextrême adaptabilité dun FRAC. Ce nest pas une institution figée. Nous consacrons notre temps à prêter nos uvres à qui veut bien les exposer. Quasiment du jour au lendemain, nous sommes en mesure de monter une exposition, avec des uvres magnifiques, dans tous les coins de la région. Nous proposons des projets de partenariat, de coproduction, avec une multitude dautres institutions.
TL.. On reproche souvent aux FRAC de constituer une structure opaque, avec des prises de décision plus ou moins transparentes, notamment quant à lachat des uvres. Pouvez-vous me décrire de lintérieur le mode de fonctionnement dun FRAC ?
BJ. Juridiquement, un FRAC est une association de la loi de 1901. Pour lessentiel, une association dirigée donc par un Conseil dAdministration et un Président.
TL.. Cest vous la Présidente ?
BJ. Non, moi je suis la Directrice. Je suis tributaire du Conseil dAdministration. Chaque année, je dois défendre et faire valider mon projet artistique par le Conseil dAdministration.
TL.. Concrètement, qui vous a nommée directrice du FRAC Lorraine ?
BJ. Jai été nommée par un jury État-Région.
TL.. Quels sont les membres du jury ?
BJ. Le Directeur Régional des Affaires Culturelles (DRAC), le Vice - Président du Conseil régional, en charge de la culture,
un Inspecteur Général du Ministère de la Culture, un autre directeur de FRAC également, des personnalités à la fois représentatives sur le plan régional et sur le plan culturel.
TL.. Comment ce jury a-t-il été amené à vous choisir, vous, et non pas quelquun dautre ?
BJ. Ma nomination est très particulière. Jétais chargée de mission au Conseil Régional
TL.. Donc vous étiez déjà sur place, à un poste privilégié pour être désignée
BJ. Disons que jai tout fait pour que le FRAC existe, avant moi, il ny avait pas de directeur de FRAC.
TL.. Vous avez tenté de mettre en place un FRAC à partir de votre poste de chargée de mission
?
BJ. Exactement. Et dailleurs, lannée de ma nomination en 1993, on avait arrêté de financer le FRAC. Il y avait un budget dacquisition, mais aucune exposition navait lieu. Cétait donc quitte ou double. Soit lÉtat abandonnait sa participation, soit il relançait le FRAC en lui nommant un directeur.
TL.. Il y a donc toujours cette épée de Damoclès qui pèse sur un FRAC, à savoir que lÉtat peut abandonner son financement du jour au lendemain ?
BJ. Disons quil faut être vigilant.
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mis en ligne le 02/11/2004 |
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