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Dossier Shanta Rao
Pourquoi Shanta Rao ? |
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par Jean-Luc Chalumeau |
Vers 1961, Eikoh Hosoe photographiait le corps de lécrivain Mishima et en tirait un livre quil intitulait Ordalie par les roses. On sait que Hosoe cadrait le corps vivant violent de Mishima sur fond de tableaux de Botticelli et Giorgione, mélangeant un corps réel photographié et le corps fictionnel de la peinture de la Renaissance pour parvenir à un « fleuve de chair » (Mishima) participant dune même érotique de la mort et de lamour.
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Il est frappant que Laurent Martin ait intitulé Ordalie son beau texte sur les photographies de Shanta Rao, même si ces dernières nont pas de rapport apparent avec celles de Hosoe et alors quil ne parlait que des séries des Pretenders, car les Terminaisons nerveuses étaient encore à venir lorsquil écrivait.
Ce que laissait pressentir ce mot étrange, ordalie (le « jugement de Dieu » au Moyen-Âge), cest que le regard de Shanta Rao a lexceptionnel pouvoir de choisir entre deux usages du fragment, de lentre-images. Ce regard est celui des « rhétoriques cheminatoires » dont Christine Buci-Glucksmann fait remarquer quelles ont été précisément analysées par Michel de Certeau dans ses Arts de faire. Si la partie pour le tout (lil pour le corps) peut créer du plus, « densifier le détail en miniaturisant le tout » (de Certeau), elle peut également pratiquer un art du vide, un art de lélision qui « coupe, défait la continuité, déréalise » (Mishima).
Ainsi, au baroque traditionnel, celui qui opère par excès et simulacre, répondrait depuis Hosoe un baroque par coupure et retrait, « où le vide et lombre font voir toutes les puissances métaphoriques de limage », par exemple dans cette série des Terminaisons nerveuses où un corps réel photographié le propre corps de Shanta Rao est confronté à un corps fictionnel dont seul le contour a été tracé par elle sur un mur. Cette méditation bouleversante sur des corps liés dont lun est cependant absent, cette histoire dun corps, non pas « tué par les roses » mais torturé par son Autre disparu, na pas déquivalent à ma connaissance dans lart contemporain.
Pourquoi Shanta Rao ? Parce quil est urgent de révéler une artiste profondément originale encore très peu connue, une artiste capable de dompter sa douleur par lunique moyen de la photographie. « Ce nest pas par accident quun photographe devient photographe, a dit Dorothea Lange, pas plus que le dompteur ne devient dompteur par accident ». |
Jean-Luc Chalumeau |
mis en ligne le 15/07/2004 |
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Dossier Shanta Rao
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