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Dossier Michel Tyszblat
Tyszblat ou la douceur de peindre |
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par Laurent Thierry |
On a comparé Tyszblat à un Ulysse moderne qui aurait tenté contre les vents dune modernité exsangue laventure paradoxale dune peinture toujours renaissante. A une époque où bien des réflexions ont conduit lart vers un minimalisme incarné par les monochromes blancs de Ryman, les achromes de Manzoni, voire un « degré zéro de la peinture » chez Buren, Tyszblat a choisi une direction diamétralement opposée, celle de la réhabilitation dune peinture comme pur foisonnement de formes et de couleurs. Lartiste se plaît à décliner tout le long de son oeuvre des coloris darcs-en-ciel, dépeignant un univers mécanique et urbain qui se mue en jeux de formes voluptueuses, merveilleuses drogues contre limpersonnalité carcérale du monde contemporain.
Lartiste initie son voyage avec des toiles, celles des années 1970, dont la thématique est empruntée à lunivers glacé de la technologie assortiment de bielles, écrous, pistons, rouages, soupapes, vilebrequins, écrans de télévision, matériel ménager - quil reconfigure à souhait en un jeu abstrait de figures assouplies, flottant dans un espace aux couleurs douces et crémeuses. Lartiste procède à une esthétisation euphorique du réel : les nouvelles technologies se métamorphosent en machines oniriques semblables à des vaisseaux spatiaux évoluant dans la fluidité laiteuse de nébuleuses planétaires. Déclinaison de formes, lisses, aériennes, empruntées à fois au Pop Art et au Surréalisme, Salvador Dali revisité par Claes Oldenburg. Les surfaces métalliques, les textures plastifiées senrobent dune souplesse scintillante, sévadent du quotidien, prennent par leur schématisation une envolée abstraite. Tyszblat na rien dun artiste conceptuel au sens où il tenterait de cerner lessence du réel, il préfère au contraire poétiser le réel. Peinture pour une Alice aux pays des merveilles, ces dernières étant issues non plus danimaux fantastiques, mais dun outillage mécanique voué aux ballet des métamorphoses. Les objets à angles droits se voient changés en libellules intergalactiques, évoluant dans une chorégraphie en apesanteur. Lartiste nous livre des géométries tridimensionnelles, animées de surfaces moirées, dangles émoussés, de textures caoutchouteuses, darêtes sinueuses. Les formes toujours élancées sont imprégnées dun chromatisme apaisé, fait de nacre, docre et de teintes lactées. Une sorte de thérapie contre la grisaille.
Dans les années 1980, la thématique des machines spatiales cède la place à un univers urbain, terrestre, quotidien. Apparition de la figure humaine, sous forme de personnages aux visages énigmatiques, déambulant dans la ville, métaphore dune jungle primitive, où lartiste court-circuite les apparences, se jouant de lambiguïté des matériaux : le minéral, le végétal et le synthétique sont traités sur un même mode ambigu de textures élastiques. Tyszblat ne cesse de cultiver lambiguïté, les formes reconnaissables sont schématisés à lextrême et dégénèrent imperceptiblement en variations abstraites. Doù cette impression de légèreté des apparences. Rien dimposant, de dictatorial, comme si les visions de Tyszblat nétaient que de simples hypothèses, des propositions évanescentes, et non des réponses dogmatiques à lénigme du réel. Avec les années 1990, nouveau changement de cap. Lartiste quitte toute esthétique de la représentation sans pour autant abandonner son chromatisme adouci, donne libre cours à une fureur expressionniste. Les anciens aplats laissent place à dopaques déchirements, comme si lartiste avait voulu déchiqueter les doux volumes de ses premières amours. Les toiles ont pour titre des formules lapidaires, « Ca commence ! », « Cest dur parfois ! », « Je vous lavais bien dit ! », dénotant comme une colère maîtrisée, face à un monde devenu apocalypse indolore.
Dune oeuvre qui sétend maintenant sur une période de presque quarante ans, il reste cette tentative réussie de jaillissement de la peinture dans son essence protéiforme, une peinture pure, dénuée de toute soumission aux diktats des avant-gardes de circonstance. Lartiste affiche un refus de tout positionnement en faveur dune quelconque abstraction ou figuration, comme si les formes peintes nexistaient que pour atteindre leur nombre dor, un équilibre plastique parfait, indépendamment de toute pétition théorique.
Tyszblat produit finalement des oeuvres qui sadressent au pur plaisir du regard, un regard que lartiste ne cherche jamais à heurter, mais au contraire à apaiser. La sensualité lisse de ses oeuvres nous fait oublier les plaies et les bosses dun siècle voué à la productivité technologique. Lartiste ne cherche aucune posture provocante, ne formule aucune récrimination, ne théâtralise aucune violence. Une peinture dont la vocation ultime est de procurer un bonheur intérieur, lapaisement de lâme, une consolation heureuse contre les holocaustes. Que demander de plus à lart ? |
Laurent Thierry |
mis en ligne le 10/05/2005 |
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Dossier Michel Tyszblat
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