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[verso-hebdo]
17-07-2009
La lettre hebdomadaire
de Jean-Luc Chalumeau
Bernard Lamarche-Vadel,
un grand critique
L’exposition Dans l’oeil du critique, organisée en hommage à Bernard Lamarche-Vadel par le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris (jusqu’au 6 septembre) est remarquable à plusieurs points de vue, mais d’abord par le simple fait qu’elle rappelle (et révèle aux nouvelles générations) la personnalité d’un personnage flamboyant, qui joua un rôle essentiel sur la scène artistique française des années 70 et 80. Grâce à plusieurs vidéos et à la diffusion de certaines de ses interventions à la radio, on retrouve la manière inimitable dont Bernard Lamarche-Vadel s’exprimait, à la limite parfois de l’emphase, mais toujours extrêmement précis et convaincant : il savait de quoi il parlait, et il avait un splendide style oral que l’on admire aussi, identique, dans ses travaux de pur écrivain. J’ai assez bien connu Bernard, qui collaborait de temps à autre à Opus International, et avec qui j’avais participé à la sélection des artistes de la Biennale de Paris (c’était en 1979, et nous avions retenu cette année-là à la fois Sophie Calle et Gérard Garouste…) : la sûreté de son jugement était quasi infaillible. Cela se savait, et c’est pourquoi l’introducteur en France de Joseph Beuys, l’ami de Degottex et Gasiorowski, pouvait se permettre de pures et simples provocations qui peut-être apaisaient ses tourments car il était, au fond de lui-même, profondément désespéré. La plus étonnante de ses provocations a été la célèbre exposition Finir en beauté en 1981. L’accrochage du Musée de la Ville de Paris en rassemble les protagonistes (dont Combas et Di Rosa, les plus connus aujourd’hui), mais sans indiquer clairement que Bernard les méprisait cordialement. Dès l’année suivante, il s’en était expliqué avec la plus grande netteté : « Face, donc, à l’oppression que représentaient désormais les noms de l’histoire, Beuys, Merz, Gasiorowski, Flanagan, Serra, etc…, que j’introduisis souvent sous la forme d’un premier écrit à eux consacrés, j’opposais une nouvelle oppression : le mauvais goût, le sentimentalisme, l’indignité, l’excentrisme, proposés comme nouvelles contraintes exercées contre l’ordre que je représentais à mon insu. » (in catalogue L’Air du temps, Galerie d’Art Contemporain des Musées de Nice, 1982). Il est exact que la provocation eut des résultats inattendus : les marchands Yvon Lambert et Pierre Nahon, entre autres, se précipitèrent sur ces jeunes inconnus et entreprirent d’en faire des stars. « Tel était mon péché mortel, commentait Lamarche-Vadel avec résignation : tout ce que je touchais était assuré de réussir quand bien même j’aurais désiré attacher mon nom à la présentation de travaux qui étaient exclus des sphères officielles du bon goût. Lorsque je connus, un par un, les artistes que je regroupais sous l’insigne personnel de « finir en beauté », je mesurai la possibilité de gagner une indignité nouvelle. » Ben Vautier baptisa aussitôt la nouvelle « école » Figuration libre, avec la fortune que l’on sait, ce qui entraîna une réaction de grand seigneur de la part de Bernard : « Ce terme de « figuration libre » m’est absolument étranger, il s’agit d’une naïveté supplémentaire de ceux qui transforment aujourd’hui en idéologie et peut-être en commerce ce que j’ai conçu en événement, en excentricité… » Il n’empêche : malgré tout ce qu’il a pu faire pour se désolidariser de ladite Figuration libre, elle colle à son nom et des commissaires lui en font aujourd’hui encore un titre de gloire. Nul doute qu’il s’en serait amusé, non sans quelques mots cinglants à l’intention de ce que l’on appelle les Institutions…
J.-L. C.
17-07-2009
 

Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

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