logo visuelimage.com
 
 
 
Les [Verso-hebdo] antérieurs
  1  

17-10-2024

10-10-2024

03-10-2024

26-09-2024

19-09-2024

12-09-2024

05-09-2024

 
[verso-hebdo]
17-10-2024
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane solitaire

Vivian Maier, Anne Morin, « Photo Poche », Actes Sud, 144 p., 14, 50 euro.

Vivian Meier (1926-2009) a fait plus de cent cinquante mille photographies et tourné environ trois cents films. Elle n'a été découverte qu'après sa mort. Née à New York d'une mère française et d'un père autrichien, elle a vécu de travaux plutôt modestes (surtout gouvernante). Elle a surtout réalisé ses cliché (pour l'essentiel en noir et blanc, sans en faire une religion car elle aussi utilisé la couleur de temps à autre) dans sa ville natale et parfois dans d'autres lieux des Etats-Unis.
En dehors de ses beaux autoportraits, elle s'est attachée à saisir des scènes qui ne sont jamais posé. Elle s'est emparée de ce que les rues lui proposaient d'intéressant ou de pathétique, mais sans jamais rechercher le côté sombre de la réalité urbaine. Ses clichés sont parfois drôles, parfois tragiques, mais en ne privilégiant pas des thématiques spécifiques. Ses promenades dans la cité lui ont sans cesse apporté des sujets étranges, singuliers, distrayant. Son oeil était toujours en train d'engranger des visions du monde au-devant duquel elle marchait. Sa curiosité était immense, comme si elle écrivait un journal de ses journées errantes.
Cette collection a une grande valeur car elle a su montrer tous les aspects vernaculaires de la cité, sous tous ses aspects. Elle mérite donc bien de rentrer dans le panthéon des grands photographes du XXe siècle et cet album est précieux pour mieux connaître l'Amérique des années cinquante au tout début de notre propre siècle. C'est vraiment une démarche à découvrir.




Susan Meiselas, Marta Gili, Photo Poche, Actes Sud, 144 p., 14, 50 euro.

La principale qualité de la collection « Photo Poche » est de nous faire découvrir des photographes de valeur que nous ignorons si nous ne sommes pas spécialistes de cette discipline. J'avoue n'avoir jamais entendu le nom de Susan Meiselas et donc de n'avoir jamais vu une de ses oeuvres. Cet album nous permet de découvrir la démarche très particulière de cette femme (née en 1948) qui s'est surtout orientée vers le reportage à travers le monde. Nous la suivons du Mexique au Nicaragua, du Kurdistan au Salvador. Ce n'est pas à proprement parler une globe-trotter car elle s'attache à des lieux bien particuliers pour le connaître à fond. De plus, elle a été visiter des endroits bien moins exotiques, comme, par exemple les banlieues de Lisbonne ou Little Italy à New York.
Elle ne traque pas toutes les misères du monde, mais cherche surtout à faire comprendre la réalité de l'existence des habitants des pays où elle s'est rendue ou des quartiers abandonnés de tous qu'elle a pu connaître. Elle a fait ses études à Cambridge (MA), puis à New York. Elle a suivi l'enseignement de Robert Capa, qui avait défini l'objet de la photographie. Ses premiers clichés en noir et blanc ne démontre pas une volonté esthétique, mais ^plutôt une quête de vérité qui passe par une sorte de hasard objectif. Les scènes qu'elle a alors saisi ne présente aucun intérêt anecdotique. C'est une trace d'une époque précise en un lieu précis. Après quoi, elle a privilégié la couleur.
En Amérique centrale, elle s'est faite le témoin des manifestations de révolte, de la répression violente. Mais elle n'a pas eu l'intention de se faire le porte-parole des classes opprimées. Il est probable qu'elle ait éprouvé de la sympathie pour ses personnes voulant lutter contre l'injustice et la coercition. Mais elle ne s'est pas servie de son appareil pour faire passer un message. Elle était partie en quête de bien autre chose que le pittoresque, mais ce qui pouvait être révélateur d'une situation humaine et sociale. Elle s'est également intéressée aux femmes qui travailles dans les boîtes de nuit et a fait une série de prises de vue en noir et blanc réunies dans l'album Carnival Strippers (1972-1975). Bien sûr, ce livre ne nous révèle qu'une partie de ses compositions (qui sont plutôt des « saisies sur le vif »), mais assez en tout cas pour nous rendre quel a été l'esprit et la pratique de Susan Meiselas.




Souvenirs d'un médecin de Paris, François-Louis Poumiès de la Siboutie, préface de Sandrine Filipetti, « Le temps retrouvé », Mercure de France, 544 p., 13 euro.

Le titre laissait présager un ouvrage un peu ennuyeux où l'on aurait appris quelque chose de la médecine au XIXe siècle. A part quelques figures qui font leur apparition, surtout pendant ses études, ce jeune garçon venu du Périgord, qui est venu dans la capitale se consacrer à l'étude de la médecine. Avant de commencer son journal il rappelle ses origines provinciales, évoque sa famille, aisée, sans doute, mais pas d'une grande richesse, son éducation et fait un panorama du petit monde de Périgueux.
Il parle de l'Ancien Régime et puis de la Révolution, dans ses évolutions rapides et dangereuses. Il part étudier la médicine à Paris et, une fois qu'il a obtenu son diplôme, il décide de s'installer dans la capitale et d'y exercer. Ce n'est pas un journal intime dans le sens commun du terme. Il fait plutôt état en détail de ce qui se passe dans la France qui sort de la période révolutionnaire pour entrer dans celle qui va conduire Napoléon Bonaparte au pouvoir, du consulat à l'empire. C'est une vision aiguë et détaillée de la politique et de la vie sociale. Il disparaît en 1863 et a donc assisté à la Restauration, à la révolution de 1830 et à celle de 1848. Il a aussi assisté au coup d'Etat de Louis Napoléon et aux débuts du Second Empire ; publié posthume au début du siècle dernier, ces pages sont un témoignage hors pair de cette phase de notre histoire qui est non seulement bien écrite, mazis aussi très riche d'information.
Nous découvrons aussi la majeure part des personnages qui y ont tenu un rôle. Son absence de préjugés rend son ouvrage très précieux et s'offre à nous comme un livre d'histoire vu à travers de l'oeil avisé d'un observateur passionné et d'une rare intelligence. Rien n'y est anecdotique. Ce praticien très compétent s'est révélé un merveilleux écrivain capable de juger les grands moments de ces décennies mouvementées et fondamentaux pour notre pays. A ne manquer sous aucun prétexte.




Dix jours qui ébranlèrent le monde, John Reed, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Martin-Stahl, préface de Lénine, Kroupskaia et l'auteur, édité et présenté par Sandrine Fillipetti, « Le temps retrouvé », Mercure de France, 560 p., 12, 50 euro.

Socialiste dans l'âme, curieux de comprendre les événements qui se déroulaient en Russie, John Reed est arrivé à Petrograd à l'automne 1917. Il a ainsi été le témoin de la révolution d'Octobre. Il a assisté au premier plan à ce qui va transformer la Russie en patrie du socialisme. Il a décrit dans son livre le récit détaillé et authentique de cette véritable épopée qui n'a pas fait que transformer ce pays qui venait à peine de se délivrer du joug tsariste, mais qui a également modifié les équilibres géopolitiques dans le monde entier.
Publié en 1919 aux Etats-Unis, il a été publié en France en 1927 avec la bénédiction du Komintern. Il n'existe aucun document comparable pour comprendre de quelle façon les bolcheviks se sont emparés du pouvoir et ont pu commencer à bâtir une société sur un modèle inédit. Cet ouvrage est demeuré depuis une référence incontestable et un document sans égal. Personne ne peut en faire l'économie s'il souhaite savoir comment les choses se sont déroulées. S'il écrit avec la vivacité et la limpidité d'un journaliste de talent, il a aussi les qualités littéraires pour restituer une succession d'événements qui ont imposé en un laps de temps très court la suprématie du bolchevisme.
C'est une bible pour l'historien, mais aussi pour le simple curieux. Quelques soient ses opinions, le lecteur sera saisi par ce récit épique qui a été écrit avec le souci d'être une référence autant qu'un témoignage pour la postérité. Mort en 1920, John Reed n'a pas pu mesurer le succès de son livre et de son impact sur tous les continents. Cette réédition est bien venue car les plus jeunes générations ont désormais la faculté de savoir quelle a été la nature de cette révolution et également la personnalité de ceux qui en ont été les principaux acteurs.




Souvenirs chinois, 1886-1887, Léon Caubert, édition établie et préfacée par Philippe Artières, « Le temps retrouvé », Mercure de France, 288 p., 10, 50 euro.

Léon Caubert avait choisi de suivre des cours de mandarin de l'école des langues orientales vivantes. Un fois muni de son diplôme, il entre dans le corps des interprètes du ministère des Affaires étrangères. C'est en 1886 qu'il part pour aller en Chine en 1886 pour y aller négocier des traités commerciaux à Pékin.
Dans ce livre de souvenirs, il décrit par le menu ce long périple sur un navire nommé le Natal. Il dépeint la vie à bord, les escales à Aden ou à Ceylan, à Saïgon, et fait état de la présence occidentale, et surtout française en faisant noter les modernisations apportées. Il fait escale aussi à Hong Kong et décrit la présence britannique. Cette fois, il expose de quelle manière s'est instituée cette colonisation. Au bout de trente-cinq jours de navigation, il a abordé à Canton. Puis il est arrivé à Shangaï, où il s'est plus intéressé à a vie urbaine.
Il y a remarqué les fumeries d'opium, dont l'origine remonte à la guerre avec la Grande-Bretagne, qui a imposé aux Chinois l'usage de cette drogue. L'histoire a commencé à prendre une place importante et permet de comprendre la raison des concessions étrangères. Il a découvert qu'il y avait désormais une ville chinoise et une autre européenne. Il n'a rien dénoncé, mais ses notes précises montrent bien que la Chine est en grande partie gouvernée par des nations occidentales. Il a ensuite pris un autre navire qui lui a permis de découvrir des cités côtières.
Une fois arrivé à Pékin, il a étudié le peuple chinois et a aussi étudié son art ancien, qu'il a jugé trop mal connu chez nous. On a l'impression de faire ce long voyage en sa compagnie et de pénétrer peu à peu dans l'univers de la Chine. Bien sûr, ce n'est pas une étude ethnographique en coupe réglée, mais il nous donne une vision enrichissante de ce qu'a pu être ce pays à une époque où son sort est de plus en plus lié à l'Occident.
Tout est en place pour l'insurrection qui a eu lieu en 1900, sans le succès escompté. C'est un périple qui ne nous offre pas un panorama détaillé de la Chine, mais une relation passionnante de cette intrusion toujours plus prégnante des Européens sur d'autres continents, de l'Afrique à l'Extrême-Orient.




Le Chant de la pluie, Martino Gozzi, traduit de l'italien par Vincent Raynaud, Editions de la Table Ronde, 224 p., 22 euro.

Ce roman de Martino Gozzi (né à Ferrare en 1981) donne une certaine idée de la façon dont le roman italien est envisagé par ses relativement jeunes auteurs. Aujourd'hui que tous les grands noms de la littérature de la péninsule, la nouvelle génération a du mal à imposer un caractère, même dans une grande diversité de forme et de style. Il y a toujours ces auteurs de bestsellers qui ne désarme jamais dans un pays où on lit beaucoup moins qu'en France (rappelons que l'Italie a été le berceau du roman-photo). Et ce livre en particulier, Le Chant de la pluie, (il a déjà trois romans à son actif depuis 2004), manifeste une curieuse conception de la prose contemporaine.
En effet, on y perçoit une sorte de contradiction entre un certain réalisme, qui n'imite pas cependant les grands représentants de cette conception du temps passé, mais qui est absolument prégnante ici, et puis une manière de construire la fiction dans une optique en partie novatrice. L'histoire est somme toute d'une grande simplicité : le héros de cette histoire se nomme Simone et est atteint d'une grave leucémie. Mais ce n'est pas lui qui parle, mais la plupart de ses proches, qui parlent tous à la première personne. Ce n'est d'ailleurs pas une architecture absurde et l'auteur parvient assez bien à la maîtriser. Il y aussi un épicentre géographique qui est Ferrare.
Mais les voix proviennent d'autres cités italiennes, comme Turin ou Bologne par exemple. Il existe aussi des réminiscences qui remémore des lieux plus lointains. L'enchevêtrement de tous ces personnages révèlent la manière qu'a chacun de vivre sa relation avec cet homme cloué au lit dans un hôpital, mais aussi les liens qui peuvent les relier les uns aux autres. Mais on a le sentiment de ne pas gagner en profondeur. Le sujet du livre donne l'impression d'un exercice habile, mais qui ne va jusqu'au bout des choses. Sans doute ces pages sont d'une lecture aisée malgré cette curieuse imbrication de figures plus ou moins importantes dans ce dispositif. Malgré les doutes que je peux exprimer, ce roman n'est pas à mettre au rebut. C'est déjà un auteur aguerri qui l'a écrit. Il a tous les instruments nécessaires et on peut espérer de sa part un prochain plus sophistiqué dans ses ressorts psychologiques et poétiques.
Gérard-Georges Lemaire
17-10-2024
 

Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

visuelimage.com c'est aussi

Afin de pouvoir annoncer vos expositions en cours et à venir dans notre agenda culturel, envoyez nous, votre programme, et tout autre document contenant des informations sur votre actualité à : info@visuelimage.com
ou par la poste :
visuelimage.com 18, quai du Louvre 75001 Paris France

À bientôt.
La rédaction

Si vous désirez vous désinscrire de cette liste de diffusion, renvoyez simplement ce mail en précisant dans l'objet "désinscription".

     


Christophe Cartier au Musée Paul Delouvrier
du 6 au 28 Octobre 2012
Peintures 2007 - 2012
Auteurs: Estelle Pagès et Jean-Luc Chalumeau


Christophe Cartier / Gisèle Didi
D'une main peindre...
Préface de Jean-Pierre Maurel


Christophe Cartier

"Rêves, ou c'est la mort qui vient"
édité aux éditions du manuscrit.com