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[verso-hebdo]
03-10-2024
La chronique
de Pierre Corcos
Visa pour l'enfer
L'enfer à la carte. Vous avez le choix... Que préférez-vous ? Les décombres cendreuses d'où le père extrait son enfant mort ? Les gangs qui s'affrontent à la mitraillette dans une ville capharnaüm ? L'oppression et la misère sous un régime fondamentaliste ? Les catastrophes écologiques ruinant paysages et vies humaines ? Les violences sexuelles comme arme de guerre systématique contre les femmes ? Les ravages d'une drogue ouvrant des plaies effroyables sur le corps ? Le tunnel charbonneux de la pauvreté sans une lueur d'espoir ? Une guerre civile permanente et toutes les horreurs permises ?... La carte est encore plus longue, cependant rassurez-vous: tous ces enfers sont loin, étrangers. Mais le festival international du photojournalisme de Perpignan, Visa pour l'image (très bien dirigé par Jean-François Leroy) - qui s'est achevé le 15 septembre et dont c'est la 36ème édition - vous les rapprochent d'un coup. Quitte à vous électrocuter... Juste une photo, mais une photo juste, suffit parfois à la transmission instantanée d'une souffrance, sur un visage, à une pitié, au fond de nous. Alors cet enfer là-bas devient un court instant notre enfer. Car l'amoralité ordinaire c'est aussi l'ignorance, et cette habitude par quoi l'énormité de la douleur d'autrui compte à peine pour soi. Et l'on saisit l'impact de ces images fixes qui nous fixent : elles viennent des zones embrasées de la planète, et elles ne sont pas fondues dans le déroulé d'un film documentaire.

Les 26 expositions proposées ne créent pas le même rapport entre les photographies et les commentaires. Parfois ces derniers sont si didactiques, analytiques, voire critiques, que leur dimension de réquisitoire l'emporte sur l'intérêt intrinsèque des photographies, comme c'est le cas pour La ville invisible de Paolo Manzo (Prix P. & A. Boulat 2023), reportage de plus de vingt ans sur la banlieue de Naples, son abandon irresponsable par les autorités, et les dévastatrices conséquences de cette incurie criminelle ; ou bien Le corps des femmes comme champ de bataille de Cinzia Canneri à propos de la guerre du Tigré et ses atrocités... Mais d'autres fois la photographie (le noir et blanc n'a pas dit son dernier mot, y compris dans le photoreportage !), expressive, bouleversante et symbolique dans La France périphérique de Pierre Faure, déborde tant l'information l'accompagnant (60% de la population française vivent dans cette « zone » définie par le géographe Christophe Guilluy, et plus de 9 millions stagnent sous le seuil de pauvreté) que celle-ci passerait presque au second plan ! Autre exemple choc : le photoreportage inoubliable, traumatisant de Gaël Turine sur les drogués à Philadelphie, Les ravages de la tranq... Il arrive également que le contexte soit si embrouillé, le désordre si délirant que les clarifications du commentaire procurent un soulagement, comme dans Haïti : le pouvoir des gangs de Corentin Fohlen, ou bien Équateur : conflit armé interne de John Moore. Par ailleurs le commentaire peut restituer l'histoire et le travail du temps lorsque le reportage nous conte le tragique destin d'une famille pauvre sur trois générations (Grown Upstate: l'héritage de l'amour à Collar City de Brenda Ann Kenneally). Le choix emblématique des photos (tribunaux islamiques, port obligatoire du « chadari » par les femmes, malnutrition des enfants, brutalité masculine) joint à la sobriété des commentaires suffisent à communiquer un sentiment de révolte devant l'oppression désespérante : La vie sous les talibans 2.0 d'Afshin Ismaeli.
Emilio Morenatti (deux prix Pulitzer) nous montre, dans un parcours photographique bouleversant, sa traversée des enfers de la planète. Il n'en est pas sorti indemne, il a perdu une jambe. Il affirme en avoir tiré plus d'empathie encore pour les victimes. Est-ce pour cela que sa photo montrant un petit Afghan enfilant une chaussure tandis que la prothèse de sa jambe est posée à côté de lui reste gravée dans nos mémoires ? Une mention pour Paula Bronstein, Un monde dans la tourmente, car cette photojournaliste de 70 ans, témoin d'horreurs, violences et catastrophes, a toujours su trouver l'image pertinente qui fait écho en nous... Le calvaire de la population palestinienne prise en otage entre les agressions du Hamas et les foudroyantes ripostes israëliennes est largement mis en valeur : Loay Ayoub (lauréat du Visa d'or de Perpignan), La tragédie de Gaza et Sergey Ponomarev, Cisjordanie. Les médias s'en font régulièrement l'écho... Mais ils nous montrent beaucoup moins (voire pas du tout) la guerre qui fait rage au Soudan avec 9 millions de déplacées, plusieurs milliers de morts et 750 000 personnes au bord de la famine : Ivor Prickett, avec Guerre sur le Nil : le Soudan fragmenté, en a rapporté, avec le journaliste Declan Walsh, un photoreportage apocalyptique. Les médias font aussi l'impasse sur les conflits au Congo (fuite d'un million de civils vers des camps) mais Hugh Kinsella Cunningham dans Déplacés par le M23 nous montre par le choix de ses photos comment ce conflit dévastateur menace de perdurer... Visa pour l'image expose ce dont l'on n'a même pas l'idée. Ainsi les dégâts environnementaux et humains épouvantables causés par l'extractivisme et la quête du profit au Brésil : Minerais de sang de Francisco Proner... Nous ne citons pas ici tous les enfers invités par le festival. Il y en a de moins spectaculaires et d'aussi inquiétants, tels Grandir dans la cour d'écrans (la folie du portable) de Jérôme Gence. Mais que pensent les Perpignanais de ce festival convulsif ?
Dali prétendait que la gare de Perpignan est le « centre cosmique de l'univers ». Plus réaliste, Visa pour l'image en a fait de la ville le centre imagier d'un monde chaotique.
Pierre Corcos
corcos16@gmail.com
03-10-2024
 

Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

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Christophe Cartier

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