L’horreur est humaine ?
Côté bitte ou côté vagin ?
Telle est la question qui se pose au visiteur qui souhaite franchir le seuil
de l’exposition rétrospective des actions de l’artiste
serbe Marina Abramovic, qui se tient au sixième étage du
très respectable MoMart de New York en ce mois de mars 2010.
Car l’entrée de l’exposition est occupée par une
porte plutôt étroite où se tiennent debout deux nus intégraux,
des vrais nus, pas des tableaux ou des sculptures, mais deux personnes vraiment à poil,
l’une du sexe féminin et l’autre su sexe masculin, exhibant
leur anatomie charnue, et qui pas à pas, imperceptiblement, se rapprochent
l’une de l’autre rendant le passage de plus en plus malaisé.
Et donc, pour visiter l’exposition, il faut en effet choisir.
De deux choses l’une. Soit le visiteur se faufile entre les deux corps
en tournant le dos aux seins et au sexe de la femme, soit le contraire, auquel
cas, ce même spectateur fait face aux organes génitaux de l’homme.
Spectacle à la fois réjouissant et inquiétant.
Réjouissant, car la vision des visiteurs hésitant d’abord à franchir
le seuil, choqués et hilares, puis se faufilant timidement, en baissant
les yeux entre les deux corps, deux corps d’acteurs qui ont visiblement
reçu la consigne de ne pas bouger, donnent lieu à un jeu de
scène qui crée l’hilarité du public, et en particulier
des gardiens de musée. Inquiétant, car ces deux nus de chair
parviennent, (bravo pour le numéro d’acteur !) à se
tenir dans une immobilité marmoréenne, leur facies se dévisageant
mutuellement, avec une mine concentrée, préoccupée,
comme si les deux nus se livraient à un dialogue orageux, s’adressaient
des invectives, les deux protagonistes affichant au final des masques de
colère. Une sorte de grondement intérieur semblent jaillir
du tréfonds de leurs entrailles.
L’exposition du Momart n’est autre que la rétrospective
des actions de Marina Abramovic qui se sont tenues des années 1960
jusqu’à nos jours. Il s’agit donc de convoquer des comédiens,
de rejouer ces mêmes actions, lesquelles ont donné lieu en leur
temps à des scripts assez précis. L’originalité de
la démarche muséale est que les actions ne sont pas seulement
restituées par des vidéos ou des photos, mais pour la plupart
elles sont rejouées « in live » par des comédiens.
Pour faire bref, soyons sincère, l’exposition de ces actions
donnent d’abord envie de franchement dégueuler. La violence,
la souffrance, le sang et la mort semblent être les ingrédients
consubstantiel d’une humanité réduite à l’omniprésente
nudité de comédiens qui sans être ni beau ni laid, exhibent
leur anatomie assortie de proéminences sexuelles tapageuses :
sexe masculin bien pourvu, vagin ultra velu, (rien à envier à la
Naissance du Monde de Courbet) , fesses mafflues , seins lourds et pendants à grosses
aréoles, chairs blanches ou rougeâtres.
Comment ne pas être indisposé par ce déballage d’actions
où la provocation le dispute à l’obscène ?
Dans une des salles, on peut voir des corps nu copulant avec des squelettes.
Ailleurs, voici des jeunes femmes, assises sur une selle de bicyclette accrochées
en hauteur, pubis évidemment exposé, mimant, bras écartés,
la crucifixion. Plus loin, une femme coincée en hauteur dans ce qui
ressemble à des pièces d’appartement, mais dont le seul
accès possible est le fait d’échelles dont les barreaux
sont des lames de couteaux. Certaines performances sont restituées à l’aide
de vidéos : l’effet n’est pas meilleur : voici
encore des femmes exhibant leur vagins dans les champs sous la pluie, un
couple se giflant, et puis aussi cette action qui valu sans doute la célébrité à l’artiste,
celle où elle se dessine une étoile à cinq branche (emblème
ici du communisme) sur le ventre à la lame de rasoir, avant de s’installer
sur un crucifix horizontal en glace et d’y demeurer nue et sanguinolente
jusqu’à la fonte complète.
Quelques
liens vers le travail
de Marina Abramovic