Suivre une luciole (Virginie Le Touze)
Un jour à la galerie Soardi, une exposition collective, « Peau
d’âne ».
Une photographie occupait tout l’espace tant sa simplicité et son épure
s’imposaient. Percussion avec un travail qui adopte la lenteur et la beauté,
une peau neuve qui n’en finit pas de muer. Un bras tendu. Une ligne d’horizon
de peau avec à son extrémité, la main offerte qui n’agite
aucune tension, ne montre rien. Une ligne pour que se posent les oiseaux, les
mots, le silence, les baisers. J’avais pris plusieurs dépliants
qui tenaient lieu d’Invitation, avec la photographie de VLT en première
page qui se dépliait dans son entier. Je les utilisais pour écrire
des lettres. Mes mots couraient le long du bras comme des fourmis, puis tout
autour.
Elle prend des cours de chant. En tire une Hyperchansond’A à propositions
variables. Des dizaines de fragments enfilés. Solo ou à deux voix
( Elle d’un jour. Elle d’un autre jour ). Elle coupe, elle trie,
elle colle. Grave. Aiguë. Ne garde de l’enfance que ce que peu d’adultes
savent conserver. Intégrité et intégralité de la
force du désir. Ni infantilisation, ni puérilité, ni naïveté.
Chaque chose se fait avec sérieux et attention et précaution. Peu
importe le risque et l’impatience.
Mais comment est-ce possible d’y incorporer des bribes de flânerie,
de rêverie et de contemplation. La plage, les rues de Nice et de l’arrière-pays,
un sentier en friches, un vallon humide, une euphorbe sur un balcon. Le travail
se développe, disons plutôt, se déploie par le truchement
des performances. Alors le personnage selon le rôle, s’habille de
tissus glamour, ou bien avec le noir de la Magnani, se maquille comme les femmes
d’avant, ou pas, en restant accessible. Talons aiguilles pour déambulations
et poses mal assurées, échappent ainsi à l’imitation.
Le registre d’emprunt est infini pour un « work in proregress »,
qui semble une marque de fabrique. Des propositions revisitées et revisitables.
VLT joue comme une chanteuse, chante comme une actrice, se glisse dans des panoplies
de femme fatale, de flingueuse, de fraîcheur et d’humour, dans la
violente douceur d’être au monde. Oiseau de parodie. Eternelle amoureuse
avec dans l’œil un grain de sable. Sirène perturbée.
Charme d’une alarme. Une Insomnie avec Rezvani. Vidéo. Douceur d’une
nostalgie et d’une attente rosée. Une douce tristesse altérée
par la joie de la pensée de l’absent.
Puis Larmes de quoi. Une autre vidéo silencieuse, le goutte à goutte
dans un oeil ouvert de femme qu’elle filme, pour un supplice chinois consenti.
Dort-elle sur un lit de roses. Le temps prend le temps. Cri de mouette sur miaulement
feint, on imagine.
Des objets organisent ses espaces. Elle chine, elle cueille, elle guette, elle
traque, elle oublie, va, vient, revient. Réinvente un bonnet de bain,
un sapin de Noël, un morceau de Satie, un foulard, trois riens, trois fois
rien. Elle dessine. Elle dessine des fleurs, des ombres sur des branches, un
sentier, des feuillages comme un pan de mur qui fut vert. Elle se fiche des concepts
discursifs et des élucubrations pseudo avant-gardistes qui finissent par
ringardiser les œuvres. La beauté est bien de ce monde. Et alors.
Et l’étonnement avec.