Les artistes et les expos
Ronan Barrot, « Eblouie à l’ombre des Barrot »
par Amélie Adamo

      Je fus d’abord embarquée dans un mystérieux voyage, cheminant aux côtés de sombres rencontres (Ill. 1 et 2). Je ne sais qui elles furent. Je ne sais si l’une fut dantesque. Femme d’amour portant en ses mains l’espoir d’une vie renouvelée ? Femme beauté révélée à la croisée d’obscures forêts ? Je ne sais si l’autre - revenant (e)- fut apparition onirique arrachée d’un lieu d’où l’on ne revient pas ni si elle fut née en réponse amoureuse à quelques apparitions rembranesques. Je n’ai su que la puissance du Noir, profond, fermant sur moi ses bras de Néant. Tantôt son corps épais s’animait, vibrait de rouges infernaux et d’éclats émeraudes en une poignante mélodie qui finissait par se taire dans une sombre cavité. Là, regarde, dans ce cri aphone, gravé sur le visage : l’oeil n’a de cesse d’y revenir irrésistiblement, comme sur lui toujours revient l’ombre du destin muet. Tantôt sa chair se dressait immobile, opaque, percée en son fond d’une trouée lumineuse dont la béance tournoyante emportait le regard et lui disait perdition : D’où viens-tu ? Qui es-tu ? Où vas-tu ?

      Puis je m’arrêtais un instant, saisie par un morne paysage où seul résonnait le foudroiement des corps (Ill. 3). Je ne sais qui ils furent. Une mère éplorée sur son enfant mort ? Une piéta ? Un gisant ? Je n’ai su que le chant muet de l’informe. Chant du malheur irréparable qui frappe et de sa douleur qui vient foudroyer tous les sens : jusqu’à ne plus entendre, si ce n’est bruit incompréhensible, jusqu’à ne plus rien voir, si ce n’est silhouette inidentifiable. Là, regarde ces vastes étendues brumeuses. Les noirs et grisailles y assourdissent et éteignent l’azur vert de nos horizons intérieurs. Elles poussent l’œil aux frontières de l’absurde et à terre font chuter la raison. Elles te noient avec autant de force que la matière insaisissable qui se répandait, tantôt rocher opaque tantôt sable vaporeux, sur les murs de la Maison du sourd. Je n’ai su que l’étrange limite de l’infigurable et de cette muraille de peinture où l’œil fatalement cherche à reconnaître une forme, comme désespérément on s’accroche à l’espoir quand il n’est plus que le rien. Amas de rouges, tâches de bruns, raclures noires. Un œil, une main, du sang. Empreintes d’une humanité que le regard accueille et puis perd aussitôt. Aussi belles et fugitives que ne le sont nos vies : guettées toujours par l’insensé.

Les artistes et les expos : En lisant les leçons de ténèbres de Patrizia Patrizia Runfola : la célébration de Beaugency par Justine Lacoste

mis en ligne le 14/01/2011
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