Je suis resté en arrêt devant la petite
sculpture en ardoise de Silva Beju, qui est faite de plusieurs pièces
et qui se termine par la silhouette d’une tête – une silhouette
volontairement indécise. La partie la moins élevée de
sa pièce est bordée d’une ligne de lumière qui
en fait une sorte de statue-reliquaire saturée de mystère.
Au fond du chœur, voici les photomontages de Claude Jeanmart. Le terme
est sans doute inexact : il s’agit d’œuvres numériques
où sont impliqués des collages, des photomontages, des peintures,
des photographies, des fragments de fils, et j’en oublie sans doute.
Il a imaginé un dispositif par groupes de quatre qui mettent en scène
des passages des différents chapitres. Ici, par d’illustrations,
mais des extrapolations, à la fois ludiques et graves et qui changent
sans cesse de présentation et de forme. Chacun de ces groupes est
accompagné d’une citation indiquant le texte traité.
En me déportant vers la gauche, je vois des lavis de Solange Galazzo,
toujours aussi charmeurs, et puis trois petites sculptures en céramique
grise de Laurie Karp qui explique ceci : « Leçons de
ténèbres de Patrizia Runfola a quelque chose d'une vanitas écrite
pour moi : l'intense beauté d'une mise en éveil de tous nos sens
et tout l'intelligence - jusqu'à exaltation - face à une certitude
qu'on va vers la disparition. Une beauté donc teinte de mélancolie,
et une mélancolie rendue sublime. Sensations et émotions - le
désire, la frustration, la triomphe, l'extase, la rage - sont transmises
avec force et sont rendues réelles et palpables. Mais ce sentiment de
réalité et vérité est produit paradoxalement par
l'évocation de l'étrange, du fantastique, et de l'irréel.
Les petites paysages / environnements céramiques que j'ai réalisé suite à la
lecture de ce et ses disparitions annoncées sont surtout l'expression
des atmosphères j'ai senti. Dans mes pièces on voit des traces
de vie : vie humaine (architecture, musique) et de la nature (eau, arbres,
terre). Mais tout est minéralisé et désert, tout est figé dans
un émail, qui est simultanément noire et sombre, argentée
et brillante. » Après ces pièces délicates et précieuses, énigmatiques
et savoureuses, vient la série de dessin à l’encore de
Nathalie Du Pasquier. On y voit l’auteur comme Alice dans le livre de
Lewis Carroll, de dos, face à un muret, ou encore allongée sur
un canapé ou enfin assise devant un bureau incliné. C’est
une manière de faire coïncider l’auteur et sa narratrice
dans un seul et même personnage de conte dans un style qui est proche
de celui des ouvrages destinés aux enfants. Mais son dessin n’a
rien d’ »enfantin » : il a la grâce et le
charme magique des dessins de John Tenniel qui a illustré divinement Alice
in Wonderland.
Au terme de ce périple, me voilà enrichie de ces mille et un modes de traduire dans le langage des arts plastiques ces Leçons de ténèbres, une fiction d’une beauté renversante.