par François Barré
Les constructivistes voulaient être des producteurs et intervenir dans le design de la vie quotidienne. Le propos de Bruno Macé n’est pas d’un artiste qui veut construire la vie par l’art mais d’un médiateur-producteur qui veut donner à voir, à lire et à comprendre notre espace quotidien et décoder la nature de la relation sociale et culturelle. Il est, à ce titre , de ceux qui s’intéressent aux anonymes autant qu’aux célébrités et qui mettent en valeur ce que recèle l’écart qui les sépare. Mais il ne veut parler à la place de quiconque et n’énoncer aucune embellie historique. Il constate et communique.
Communiquer , c’est rendre commun. C’est le contraire d’une
démarche de distinction et de singularité qui voudrait souligner
l’exceptionnalité de l’auteur et de son oeuvre. Faut-il
encore parler d’oeuvre quand l’essentiel est de passer, de faire
la liaison?
Dans deux de ses projets Bruno Macé met en relation des images généralement
dissociées, celles du regard public et de la publicité et celles
du regard privé et de l’anonymat. Plus précisément,
il subvertit ce mode dissociatif qui distingue d’un côté et
confond de l’autre, en détournant les modes de monstration et
en les utilisant de façon indifférenciée. Ainsi, les
jeunes d'une ville d'Ile-de-France trouveront-ils leurs noms affichés
de façon signalétique sur des plaques de rue doublant les plaques
officielles. Ainsi, des enseignants dont nul ne connaît le nom, (à l’exception
de tous ceux qui ont gardé le souvenir de celle ou de celui qui les
a éveillés) verront-ils leur nom accolé à celui
d’une célébrité qui fut un temps, leur élève.
Mais cette célébrité peut être un inconnu, présenté alors
selon les procédures de mise en page et en espace réservées
au sujet public ! L’usage du détournement permet de créer
des équivalences nouvelles et de rendre visible les différences
autant que les similitudes que les codes sociaux occultent. L’artiste-médiateur
crée le contexte de l’oeuvre qui, peut-être, n’est
plus que contexte ou situation. Ainsi les projets pour le métro (qu’attend
donc la RATP pour les réaliser ?) abolissent-ils symboliquement la
séparation du dessous et du dessus et permettent-ils une perception
ubiquitaire et l’interpénétration des images et des sons.
Ils créent aussi un échange symbolique , une interversion entre
deux flux, celui du tourisme dévoreur d’images reçues
et celui des transports publics souterrains.