par François Barré
Le souci d’intelligibilité du travail entrepris va de pair
avec une attirance particulière pour le langage et ses jeux :le palindrome
qui fait sens en tout sens, le rébus, la devinette, la citation. Mais
le détournement vient là encore créer une étrangeté qui
reste pourtant familière. Les enfants d’un collège de
Courbevoie trouvent au sol et au fond de leurs assiettes une suite de textes
et de jeux qui constituent progressivement un contexte de pratiques partagées
et de signes d’identité. La superposition lente sur des écrans
vidéos dans un palais de justice, du mot Justice et de la trilogie
républicaine Liberté-Egalité-Fraternité, image
rémanente de valeurs communes à la visibilité souvent
troublée, prend soudain une force d’évidence et de questionnement.
Et les textes du boulevard de la littérature européenne, tels
une idée qui fait son chemin, font la nique aux empreintes de Sunset boulevard
et donnent à lire les pages-paysage d’une mémoire européenne.
Cet effacement de l’auteur et son attachement à l’espace
partagé impliquent un mode d’agir particulier. Bruno Macé n’impose
jamais une idée. Il la met en débat auprès de ceux qui
seront les compagnons quotidiens de l’oeuvre future. Le temps est essentiel
pour cette maturation, les rencontres avec les maîtres d’ouvrage,
les évolutions et affinements du projet. Mais ce souci de l’écoute
n’est pas d’une conscience timorée. Bruno Macé peut,
s’il le faut, devenir un combattant avisé. J’ai participé à deux
de ses expéditions et sait la pertinence de ses démarches.
Libéralisme jusqu’où ! fit découvrir aux parisiens un changement d’appellation des places et des rues révélant ingénument une vérité cachée : l’espace public est privatisé et les grandes sociétés en sont les possesseurs. Tout fut réalisé avec rapidité et efficacité. Le temps d’un commando d’hygiène de la vision avait suffi pour montrer le vrai. Avec Bruno Macé et Georges Verney-Carron, nous avons rédigé et lancé le Manifeste Des artistes pour faire la ville . De nombreux artistes, des architectes et des responsables publics l’ont signé. Oh cet écho ! Somme toute, un manifeste, n’est rien d’autre qu’un exercice de conviction et d’aspiration au changement. Il y faut un élan et une énergie batailleuse. Bruno Macé possède cela, à la fois propagateur de la foi et combattant suprême. Pour la bonne cause et qu’advienne un espace public où lire et vivre une urbanité et une hétéronomie. Avec talent, de part et d’autre.
François Barré
1. L’espace collectif n’est pas l’espace ouvert à tous comme la rue ou la place mais un espace partagé selon des conditions restrictives d’accès : espaces de loisirs, de travail, de formation... Il est souvent un espace intérieur, telles une usine ou une école.
2. On se référera, pour bien connaître ces évolutions, à l’édition 2001 de l’ouvrage publié par la Documentation Française : Statistiques de la culture, chiffres clés.