Je cherche une sensation particulière. Au fond, la peinture
ne m’intéresse pas, mais c’est un moyen pour accéder à une
pensée, à une sensation, encore faut-il que le peintre
soit suffisamment attentif. J’ai fait en même temps que la
série des Happy Fisherman, des portraits de noirs en prenant le
chemin inverse : je suis parti de stéréotypes représentant
le noir par les blancs et j’ai essayé d’en extraire
un archétype magnifique. Ce sont potentiellement mes camarades
de natation ou de gym du YMCA, à côté de chez moi,
ainsi que mes souvenirs d’enfance au Cameroun, partenaires de moments
heureux. Série que j’intitule : « Variation pour un
nouvel archétype Américain » .
Se référant à Baudelaire et à son texte De l’essence
du rire et généralement du comique dans les arts plastiques (1),
Gregory Forstner donne un ricochet de plus à ce fameux passage qui nous
parle du rire de Melmoth: » Il est sorti des conditions fondamentales
de la vie ; ses organes ne supportent plus sa pensée. C’est pourquoi
ce rire glace et tord les entrailles. C’est un rire qui ne dort jamais,
comme une maladie qui va toujours son chemin et exécute un ordre providentiel.
Et ainsi le rire de Melmoth, qui est l’expression la plus haute de l’orgueil,
accomplit perpétuellement sa fonction, en déchirant et en brûlant
les lèvres du rieur irrémissible ». Et le chapitre suivant
: « Le rire est satanique, il est donc profondément humain. Il
est dans l’homme la conséquence de l’idée de sa supériorité ;
et, en effet, comme le rire est essentiellement humain, il est essentiellement
contradictoire, c’est-à-dire qu’il est à la fois
signe d’une grandeur infinie, et d’une misère infinie… Comme
le comique est signe de supériorité ou de croyance à sa
propre supériorité, il est naturel de croire qu’avant qu’elles
aient atteint la purification promise par les prophètes mystiques, les
nations verront s’augmenter en elles les motifs de comique à mesure
que s’accroîtra leur supériorité ».
Sa peinture endiablée, on le voit, ne tient pas dans les tiroirs ou
entre deux étagères à côté de la bibliothèque, à deux
pas de la cheminée. Le spectacle fait trop de bruit. Tombent les masques.
Horreurs, malfrats et monstruosités de foire à tous les étages.
Comme si les carnavals du XXI ième siècle ne remplissaient plus
leur fonction de catharsis. Et s’il n’y avait plus de place pour
nos fantasmes et nos maladresses ? Où allons-nous les projeter ? Où laisser
crier les enfants puisque les cours et les rues n’en veulent plus ? Alors
la peinture sort son fou. Joker ou échec et mat ?
Enfin, comme « La peinture est la maladresse d'une vie dont on a trop
conscience » (2), alors, on comprend, un saut en parachute de 4000
mètres, dont 2500 de chute libre, à 200 km/h de vitesse de descente
ne pouvait être que magnifique. Voilà ce qu’il raconte.
Peindre comme sauter en parachute.
(1) Charles Baudelaire, Ecrits sur l’art, le livre de poche, classique.
(2) Les citations de G.Forstner sont extraites d’une correspondance électronique.
Gregory Forstner est né au Cameroun en 1975, étudie à la
Hochschule für Angewandte Kunst à Vienne, (Autriche) et à la
Villa Arson à Nice. Il vit à Brooklyn depuis 3 ans, après
avoir été Lauréat de la bourse de Culturesfrance-Triangle
arts association en 2008.
Gregory Forstner est représenté par la galerie Zink à Berlin
et à Munich.
Expositions collectives:
-"La belle peinture est derrière nous", du 1er Février
au 15 Mars 2011, à Ankara au Cagdas Merkesi - Exposition organisée
par l'Institut Français de Turquie.
-« Des Paysages des Figures », au Château de Saint-Ouen,
du 17 Janvier au 27 Mars 2011.
- Des limites de ma pensée, galerie 9t9 à Bruxelles,
printemps 2011
- The Armory Show, New York, galerie Zink (Berlin), Mars 2011
-Le Salon du dessin contemporain, Paris, galerie Zink (Berlin), Mars 2011