L’art contemporain ou l’esthétique du chaos.
par Thierry Laurent
L’art contemporain est devenu une organisation de type religieux analogue au christianisme du Moyen -Âge, avec cette différence que le dieu chrétien a été remplacé par le dieu argent et son hypostase la sainte plus- value. La nouvelle religion a son clergé, ses diacres et ses archidiacres que sont les commissaires d’exposition, ses apôtres que sont les critiques d’art, ces princes et mécènes que sont les capitaines de la finance, ses prêtres et cardinaux que sont les galeristes, et enfin ses cathédrales que sont les musées d’art contemporain. Et surtout la même hypocrisie que celle entretenue au Moyen -Âge. Les cathédrales et les palais des papes célébraient avec un étalage insolent de luxe la religion d’un Christ qui préconisait l’humilité, la pauvreté, la privation. Même topo de nos jours. L’art au service du seul dieu argent revendique, sans peur de se trouver en porte-à-faux, la critique radicale d’une société inféodée à la valeur monétaire. Duchamp avait raison : une pissotière de gare devient une fontaine digne des musées, pour peu qu’on réussisse à la vendre cher.
L’art est devenu un outil de spectacle et de spéculation. Prétendre que l’art contemporain serait un instrument de réflexion, d’émotion esthétique, de transgression, est aussi hypocrite que d’expliquer que spéculer sur l’action Total favoriserait le bien- être et la justice sociale. Pourtant l’art a besoin de l’alibi du concept, du discours, de la recherche de sens, pour faire oublier qu’il a perdu tout sens, hormis celui du profit capitaliste. La spéculation intellectuelle en matière d’art contemporain est devenue le faire- valoir d’un art dont le seul mode d’existence est le record de vente sous le crépitement des flashs.
Paradoxalement, Thierry Ehrmann ne cherche pas à dissimuler les fondements d’une démarche s’inscrivant dans une époque marquant la fin de l’humanisme en Occident. La « Demeure du Chaos », le nom de son siège social, se nourrit, nous dit le PDG de la firme, « du Chaos alchimique de notre 21e siècle, tragique et somptueux, dont les braises naissent le 11 septembre 2001 ».
Thierry Laurent