Nathalie Du Pasquier,
Des ensembles faits des fragments d’un même monde
En décembre 2010, Nathalie Du Pasquier présentait dans le cadre de Assab One, à Milan où elle vit et travaille, une installation qui résumait parfaitement sa démarche. De part et d’autre d’une porte ouverte, on voyait une peinture apparemment abstraite dans l’esprit de Mondrian et une sorte de bibliothèque dont les quatre étages étaient garnis d’objets en trois dimensions tels que bouteille, entonnoir ou bidon et de formes géométriques abstraites comme des cubes ou des parallélépipèdes. Tous ces éléments étaient peints de couleurs uniformes franches subtilement alternées. « Les dix dernières années, a expliqué l’artiste, je construisais des maquettes pour mes peintures à l’aide d’objets usuels. Je prépare des éléments de bois que je peins et que j’organise jusqu’à trouver la composition qui me satisfait. Ces constructions sont petit à petit devenues plus complexes et maintenant elles existent indépendamment des peintures. » Les œuvres de Nathalie Du Pasquier sont nommées par elle des « ensembles », et elle fournit une définition précise de ce mot : Collection d’éléments, en nombre fini ou infini, susceptibles de posséder certaines propriétés (notamment dont le critère d’appartenance à cette collection est sans ambiguïté), et d’avoir entre eux, ou avec des éléments d’autres ensembles, certaines relations.
Voilà qui est contradictoirement à la fois fort précis et tout à fait vague. En tout cas le charme évident de l’œuvre et l’indécision de sa définition invitent à y aller voir de plus près. Cette ancienne co-fondatrice du groupe Memphis en compagnie d’Ettore Sottsass, qui dessina beaucoup de motifs pour des textiles, tapis et meubles, entretient-elle encore des relations plus ou moins traditionnelles avec l’esprit décoratif, ou s’agit-il de tout autre chose, en l’occurrence d’une recherche originale sur les rapports entre l’objet esthétique et l’objet usuel ?
Observons d’abord que l’objet esthétique ne peut être simplement un objet usuel, car l’important n’est pas, pour ce qui le concerne, le geste qui l’utilise, mais bien plutôt la perception qui le contemple. De toute façon, chez Nathalie Du Pasquier, nous ne sommes jamais placés dans la situation de qui regarde un objet orné, l’ornement étant destiné à attirer l’attention et à plaire. Les bouteilles, pots, tasses, cubes et boîtes signés Du Pasquier sont tous recouverts d’une couleur parfaitement uniforme et en quelque sorte neutralisante.