Une Biennale à la dérive
par Gérard-Georges Lemaire
Mais son imagination débordante l’a amené à concevoir des expositions dans les régions. Par exemple, au palais Fava de Bologne, Philippe Daverio, ancien marchand de tableaux, ancien assesseur à la culture de Milan, actuel histrion de la télévision, présente trente-trois artistes locaux (rien que des seconds couteaux) alors que la Biennale régionale est elle installée au rez-de-chaussée avec dix-sept artistes médiocres. De plus, Daverio a voulu réitérer l’opération qu’il a faite à Venise en 2005 en demandant à des artistes qui n’ont pas été invités de réaliser des ex votos. Il a choisi le nombre de mille pour remémorer les 1000 de Garibaldi et les escaliers sont ornés de ces aberrations mesurant 13 x 17 cm. Ici, le populisme le plus éhonté s’allie à la plus obscure démagogie.
II Fiat LuxLe commissaire général de cette Biennale est Bice Curiger, la directrice de la revue zurichoise Parkett. Elle a trouvé un titre bizarre pour l’exposition internationale qui se tient dans le pavillon italien -, « ILLUMInations ». Après des considérations diverses et variées d’un intérêt somme toute modeste sur l’art de frontière, sur les artistes stables et les artistes migrants, sur la communauté féminines, sur les relations entre Orient et Occident (toutes choses pouvant avoir leur intérêt dans un contexte différent), elle finit par expliquer qu’elle s’est intéressée à la lumière. Pour mieux faire comprendre son propos (comme si nous étions un peu benêts), elle a disposé trois grands tableaux de Véronèse (« peintre de la lumière » [sic]) à l’entrée de son exposition. Cela nous donne une réunion d’artistes assez morne mais installé avec beaucoup de rigueur. Bon nombre de films vidéo rendent le parcours hasardeux, certaines d’entre elles non dépourvues d’intérêt. Maurizio Cattelan qui a décidé de ne plus faire l’artiste est bien présent ici ! Mais il faut reconnaître que Bice Curiger a fait un effort pour ne pas s’enfermer dans le cercle restreint des noms que tout le monde connaît (comme Cindy Sherman, Sigmar Polke et James Turrell) dans ce petit milieu. Il y a aussi pas mal de créateurs assez jeunes. Mais on a du mal à comprendre ce qu’a recherché cette excellente connaisseuse de l’art contemporain. Ce fut d’ailleurs amusant de lire les compte rendus dans les journaux italiens qui donnaient des interprétations complètement contradictoires. Ce qui est sûr, c’est que, en dehors de quelques œuvres intéressantes, rien de puissant, de novateur, de bouleversant. C’est une manifestation destinée à marquer une pause. Peut-être annonce-t-elle un tournant dans l’histoire abracadabrante de l’A. C.