Les coulisses de l'Italie d'Orlando Mostyn-Owen
par Amélie Adamo
Amarrons aujourd'hui en terres vénitiennes. Destination : Padiglione Italia, à l'Arsenal.
En charge du commissariat de ce pavillon : Vittorio Sgarbi. Pour des raisons idéologiques et politiques déjà, la présence de ce très médiatique Signore n'est pas passée inaperçue. Ancien secrétaire de la Culture du gouvernement de Silvio Berlusconi, expert en art ancien dont les discours sont malheureusement bien souvent teintés d'accents réactionnaires, polémiste provocateur à la Jean Clair qui volontiers profère des propos acerbes contre l'art contemporain : autant de motifs qui ne pouvaient que réactiver des luttes de pouvoir et raviver de vieilles querelles dans le milieu de l'art contemporain. D'aucuns s'offusquent qu'il soit là, au sein d'une Biennale considérée comme le chantre incontesté de la modernité (dirigée en outre, cette année, par Bice Curiger dont on sait l'engagement très actif dans la sphère officielle de l'art international actuel) et sa présence aurait même incité certains artistes à se retirer du projet. Mais plus directement, ce sont ses partis pris, en tant que commissaire, qui sont ouvertement contestés.
Il faut dire que la position de Sgarbi demeure fort inhabituelle. Cherchant à dresser un panorama de la création italienne contemporaine, il a demandé à des intellectuels (écrivains, poètes, musiciens, réalisateurs, politiques) de choisir les artistes qu'ils considèrent comme les plus intéressants en ce début de millénaire. Cette diversité (environ 200 intellectuels pour autant d'artistes) ne pouvait qu'engendrer un rassemblement d’œuvres très éclectiques. Se côtoient ainsi : des générations diverses (des représentants « historiques » ayant déjà acquis une notoriété, aux plus jeunes, nés autour de 1970), des médiums multiples (peinture, photographie, sculpture, vidéos), des œuvres aux styles très variés (des filiations avant-gardistes, de l'abstraction au pop art, aux tendances plus traditionalistes, ancrages culturels et identités nationales revendiquées). Certes cette vision kaléidoscopique, dont certains critiquent l'aspect « foire », réunit des œuvres qualitativement inégales et ne répond à aucune cohérence ni n'obéit à un fil conducteur. Et l'accrochage particulièrement déplorable (voir l'article d'Harry Bellet dans le Monde du 4 juin), promiscuité et vulgaires grilles en guise de cimaise, ne participe guère à servir ce tohu-bohu d'œuvres dans lequel, du pire au meilleur, il est bien difficile de s'y retrouver, même pour un regard averti. Mais la nature de ce parti pris, et la diversité qu'il implique, n'est pas sans soulever une question de fond intéressante, plus particulièrement dans le contexte d'une telle Biennale.