Philippe Compagnon, dessins : 1984-2012
par Vianney Lacombe
C’est au fusain et au crayon noir qu’il réalise ses premiers dessins, mais rapidement il mélange les techniques pour obtenir des matières et des profondeurs de noir différentes, il mêle la peinture ou la gouache noire avec le fusain et la mine de plomb – et même la peinture avec la peinture pour obtenir des effets saisissants sur le fond blanc. Car ce qui différencie dans le travail de Compagnon le dessinateur du peintre, c’est le blanc du papier, et même si les toiles de cette époque reprennent fréquemment un vocabulaire géométrique proche de celui des dessins, la monumentalité du format modifie profondément l’impact des signes abstraits qu’il emploie. Le dessin utilise le papier pour montrer son existence, alors que la peinture fait oublier la toile sur laquelle elle est peinte. Les dessins de Compagnon jouent de l’espace blanc des marges qui entourent la composition pour montrer que nous nous situons dans un autre espace que celui du tableau, un espace beaucoup plus intime où la trace du matériau, le contraste qu’il entretient avec le blanc immaculé du papier permettent de s’appuyer sur la fragilité du support pour trouver des solutions plus nuancées que celles mises en œuvre dans le tableau.
Dès 1985 Compagnon commence à utiliser les crayons de couleur dans son travail, mais ces compositions n’essaient pas de rivaliser avec la peinture, puisque les crayons de couleur ont pour qualité de laisser transparaître la blancheur du papier, cette lumière intérieure qui fait vibrer les étendues colorées, à la différence des aplats des tableaux qui n’ont aucun compte à rendre au blanc de la toile, mais seulement aux autres couleurs présentes, puisqu’il n’y a aucune distance entre le tableau et lui-même, tandis que le dessin se tient en retrait des marges du papier sur lequel il est réalisé.