Les corbeaux, qui volent autour du donjon, prononcent son nom en écho et le répète dans l’infini de l’absurde ou règne la faute que l’on ne connaît pas.
     Un des accompagnateurs de Monsieur K. ne s’appelle-t-il pas Rabensteiner : la pierre à corbeau ?
     L’univers de Kafka fut celui du mouvement libertaire pragois dont le drapeau est celui de la couleur noire des corbeaux. Kafka : est deux fois corbeaux, dans l’assemblée du jugement et dans la révolte contre l’assemblée.
     Les mille clous de la machine pénitentiaire sont autant de becs et de griffes qui labourent le condamné. Autant de « herses » qui vont tatouer le code de la punition. Autant de plumes qui choisissent lentement l’encrier de leur jugement.
     En 1935, Margarete Buber-Neumann (Déportée en Sibérie, Prisonnière de Staline et de Hitler, récit/Le Livre de poche) fuit devant les torches et les tambours de verre des nazis. Après être passée par la Suisse, qui refusa de l’extrader, elle s’embarque avec son mari, Heinz, sur un cargo soviétique pour la ville mythique du socialisme réalisé, où elle pourra enfin être en sécurité. Mais Leningrad et Moscou l’accueilleront dans l’habitude des chirurgiens-clowns du cirque scientifique détourné. Le socialisme réel est une mère archaïque anthropophage pour ses enfants préférés. Une « Saturna »  insatisfaite de ses grossesses d’avenir, et qui, pour survivre doit manger ses présents. Le rouge du symbole qui les unit est lui-même alimenté, sous le modèle des pyramides aztèques, par le sang de milliers d’hommes et de femmes sacrifiés, teintant de leur sang, le soleil de leur drapeau pour ne pas qu’il ne s’éteigne.
     Les outils du sacrifice sont ceux de tous les sacrificateurs : scalpels, camisoles, sangles de contraintes. L’hôpital psychiatrique du socialisme est le socialisme lui-même. La marguerite choisit son maître dans ses corolles déshabillées.
     Après leur arrivée au « Pays du mensonge déconcertant », sous l’étoile de sang de la nouvelle barbarie, Heinz, son mari fut torturé puis fusillé. Son sang internationaliste coula devant quelques poings fermés du premier mai.
     Margarete Buber-Neumann connaîtra un sursis : elle fut arrêtée en juin 1938 et déportée dans le goulag, au camp de Karaganda au Kazakhstan.
     Les soleils des dictateurs signent parfois des feux provisoires.
En 1940, sous les drapeaux blancs du pacte germano-soviétique, Staline, dans un geste d’amitié à Hitler, livre à la Gestapo, Margarete, avec d’autres communistes allemands et autrichiens.