En véritable fétichiste, l'artiste a ainsi proposé à ces femmes de 'vider leur sac' pour 500€. Tout est dit. Les objets, considérés les uns par rapport aux autres, dévoilent en effet un certain côté de nos us et coutumes. Ces vitrines apparaissent comme des révélateurs de nos modes de vie, de nos habitudes de consommation. Les 'Handbags' mettent particulièrement en avant l'approche sociologique de l'art de Hans-Peter Feldmann. Ce dernier peut effectivement être envisagé comme un archiviste, un sociologue qui collecte, rassemble, identifie et inventorie des objets, des images populaires.

        L'exposition est en effet marquée par un flot d'images, de photographies récupérées ou prises par l'artiste lui-même. Toutes ces images sont regroupées en séries et jouent avec les stéréotypes. Chacune d'elle est marquée socialement et engendre un processus de représentation de la réalité. Hans-Peter Feldmann fait ainsi un usage social des images et nous renvoie à leurs fonctions dans l'interaction que nous avons avec le monde et autrui. « Je pense que le monde d'images qui nous entourent est, en quelque sorte, l'expression du monde des représentations, une expression des désirs. L'environnement ne se repésente pas tel qu'il est, mais comme nous aimerions qu'il soit. » Cette citation de l'artiste s'illustre parfaitement dans la série 'Sunday Pictures', composée d'images de couchers de soleil, de couples s'enlaçant, de chatons, de cascades qui sont autant de clichés du romantisme et du bonheur fantasmé.

        La démarche de l'artiste est volontairement simple, le regard qu'il pose sur les images et objets quotidiens est acéré, son esprit gauguenard est palpable. L'exposition est parcourue par le registre de la parodie et de la satire, à l'image de la série de caricatures que l'artiste a fait faire de lui-même à Madrid en 2010 par différents dessinateurs. Ce plaisir de la dérision et cette volonté de pasticher la réalité se manifestent également dans une série de peintures à l'huile que l'artiste a 'ajustées' à sa manière: des nez rouges, des yeux qui louchent sur des portraits classiques, des barres noires de censure sur un nu allongé. Ces ajouts malicieux nous ramènent inévitablement au début du 20ème siècle et aux ready-mades de Marcel Duchamp qui en 1919 avait ajouté au crayon une moustache et une barbe sur une reproduction de 'La Joconde' de Léonard de Vinci.

        La Serpentine Gallery, située au coeur de Kensington Gardens, véritable 'poumon vert' de Londres, propose ainsi une exposition énergique, fraîche et efficace durant laquelle Hans-Peter Feldmann nous invite à nous laisser aller à la légèreté, à l'impertinence. Une grande bouffée d'oxygène.

Marie Jasseron
3 Mai 2012