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Amélie Chabannes : jaime divaguer dune technique à lautre |
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Entretien avec Anne Kieffer |
A. K. : Pourquoi avoir choisi la filière de lEcole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs, section art et espace, plutôt que les Beaux-Arts ?
A. C. : Dabord parce que javais peur des Beaux-Arts, peur de devenir une sorte de " chair à galeries ". Les Arts Appliqués mont permis de passer dun atelier à lautre : animation, photo, vidéo, sérigraphie, architecture
Dans le bâtiment de la manufacture des illets à Ivry où jétais, jai appris beaucoup de langages différents et jai pu dépasser la pensée unique que je craignais de rencontrer aux Beaux-Arts. Il est vrai que la section " art et espace " des Arts Déco na pas tenu les promesses de son nom, mais malgré cet échec jai été confortée dans lidée que javais réellement envie de ça. Je me sens en effet assez " urbaine " et je regrette un véritable vide pour tout ce qui concerne lintégration de lart dans la ville. Les artistes qui cherchent à combler ce vide sont ceux qui mintéressent le plus. Jai été fascinée par lart-graffiti, en tout cas celui des artistes inconnus, qui dessinaient sauvagement la nuit autour des terrains vagues. Je les ai souvent regardé travailler, mintéressant surtout à ceux qui avaient visiblement le souci de réveiller un espace, qui cherchaient à répondre à un manque. Dune manière générale, je me suis toujours mieux sentie dans trois dimensions que dans deux et je me suis demandée comment je pouvais répondre aux carences de tel ou tel lieu sans faire comme les titulaires des commandes " 1 % " des années 70, qui ne faisaient guère quajouter une note plus ou moins " décorative " à une architecture. Je me suis franchement tournée vers le Land art, véritable défi lancé aux galeries et aux institutions. Je nai rien contre ces dernières, sinon que ce sont des lieux clos, et ce qui me faisait rêver, cétait par exemple telle grande réalisation dans le désert de lArizona.
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Alélie Chabannes, Cocours international de Verdun, juillet 2000. |
A. K. : Comment rêveriez-vous de voir présentée la globalité de votre travail sur " luvre et sa biographie ", propre au Land art ? Peut-on imaginer un livre ? Une installation en galerie ?
A. C. : Jaime le Land art, mais je naime pas que ça ! Mon travail a différents aspects et je ne souhaite pas être cataloguée dans une catégorie trop précise. Jaime passer dun environnement artistique à un autre : aller du monumental en extérieur à des objets de petites proportions comme un livre par exemple. Laspect biographique de mon travail a beaucoup dimportance aussi. Jai envie de tout explorer, utiliser différents types de vocabulaire. Les artistes que jadmire ont réussi cela. Quant à linstallation en galerie, elle serait tout à fait possible sil sagit dune uvre entourée de photos témoins, des notes et cadastres que je réalise en fonction des projets.
A. K. : Quels sont les artistes (référents, mythiques) qui vous ont le plus touchée ?
A. C. : Jai une passion pour Max Ernst depuis que je suis toute petite : voilà lartiste qui parvient à passer dun langage à lautre. Il y a aussi Louise Bourgeois pour les mêmes raisons et aussi laspect autobiographique de son uvre. Parmi les artistes des générations suivantes, Annette Messager mintéresse pour son humour, sa dérision et le renouvellement incessant de son langage ainsi que Sophie Calle. Quant aux artistes du Land art, je retiens surtout Walter De Maria, Gordon Matta Clark qui a travaillé sur les ouvertures dans larchitecture, la géométrie et la lumière, et James Turell qui a lui aussi travaillé sur les phénomènes lumineux. Jaime encore beaucoup les chantiers de Tadashi Kawamata. Si jajoute que je mintéresse aux photographes, vous voyez que je nai guère de rejets, si lon excepte évidemment, par exemple, les choses du genre de celles quun certain Strebelle a installées place Vendôme lété dernier
Je suis très ouverte dès que ça a du sens.
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Alélie Chabannes, Cocours international de Verdun, juillet 2000. |
A. K. : Pourquoi avoir choisi le support de larbre mort pour ensuite le pétrifier ? Quel sens donnez-vous à ce travail ? Serait-ce une sorte de réflexion sur la renaissance après la mort ou autre chose ? Parlez-nous de votre installation éphémère sur une plage de lîle de Ré. A quoi correspond cette " mise en échec volontaire " dont vous avez parlé ?
A. C. : Au moment de mon travail en équipe avec C. Bendotti et une mécène, il y avait dans la maison de lîle de Ré un très grand arbre mort. La maison avait été construite et " mise en ordre " autour de cet arbre. Je me suis alors concentrée sur lobjet après avoir pensé au traitement de lespace. Parallèlement, jai été personnellement confrontée au deuil, à la renaissance, à labandon, aux tabous sur la mort. Cest vrai que beaucoup dartistes abordent eux aussi ce thème : jai voulu quant à moi recréer la pratique culturelle qui consiste à éliminer ce qui est mort, le cacher, le recouvrir, pour le faire ensuite revivre étape par étape. Nous avons réalisé une armature de métal, béton, filasse et bambous. Nous avions envie de travailler avec des matériaux organiques pour rappeler la vie. La famille a ainsi retrouvé laxe central de sa maison et pu revivre autour. Nous avions bien entendu souhaité que notre travail sintègre aux lignes de larchitecture. Quant à linstallation sur la plage, cétait un " jeu " reposant sur lidée dutiliser les éclats de branches restants de manière à poursuivre lhistoire. Nous avons donc fait une installation éphémère de dix arbres pétrifiés avec la même technique, deux jours avant les grandes marées déquinoxe, pour rappeler que la nature reprend sa domination sur lhomme, comme sur notre création. Cette " mise en échec volontaire " a suscité des tas de réactions et danecdotes que jai notées, outre un travail photographique témoin. Les lignes verticales de linstallation dialoguaient avec le paysage très plat.
A. K. : Une autre partie de votre travail est plus intime. Je fais allusion à votre reportage-photo sur la " poupée ". De quoi sagit-il ? Quelle est votre source dinspiration ?
A. C. : Adolescente, javais été très marquée par une anecdote sur la vie de Kokoschka abandonné par sa maîtresse Alma Mahler. Il avait fait confectionner une poupée de chiffon à sa ressemblance quil emmenait partout, par exemple dans sa loge de lOpéra de Vienne
Plus tard, jai eu envie de donner forme au deuil que jai vécu : jai construit une poupée assez grande, sans visage, une sorte dhomme un peu astral, et pendant deux ans je lai installée dans des lieux que la personne que jai perdue aimait. Jai photographié cette poupée dans ces différents lieux. Mais par moments, je ne supporte plus sa présence, alors je la cache, je la détruis puis je la recouds
Je travaille au jour le jour sur les regrets, les envies, les peurs, les fantasmes. Je dispose dune série de photos que je retravaille au tirage et que je vends déjà à quelques collectionneurs.
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Anne Kieffer |
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mis en ligne le 28/11/2001 |
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Dossier
Amélie Chabannes
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