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Amélie Chabannes : jaime divaguer dune technique à lautre |
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Entretien avec Anne Kieffer |
A. K. : Votre choix dexpression artistique sest-il porté de façon innée sur une grande diversité de médiums ? Je fais allusion à votre réflexion sur larchitecture, la photographie, les sculptures-installations, mais aussi votre premier travail de plasticienne à la craie grasse sur papier que vous ne divulguez pas aisément
A. C. : Jaime divaguer dune technique à lautre, ça menrichit. Jaime énormément laventure de la photographie, que je traite à ma manière, comme du reportage, spontanément, et quil ne faut pas juger sur des critères techniques. On se retrouve aujourdhui dans le même cas de cassure que la peinture impressionniste, qui elle aussi, dans une certaine mesure, avait mis de côté les critères techniques alors en usage. Mais le dessin est aussi une voie qui a son sens pour moi : toujours inspiré par larchitecture, je lutilise sous formes de " cadastres ". Jessaie dêtre en " archéologie aérienne ", toujours très haut par rapport aux évènements, toujours dans la biographie, jexplique comment luvre se construit au jour le jour, sous forme de petits plans que jassemble. Jai besoin de mettre de côté mon point de vue, dêtre objective : le langage de larchitecture, qui est très pur, permet cela. Dans mon travail à la craie grasse, javais peur dêtre trop instinctive, trop lyrique ! Je ne me sens pas prête à montrer ce travail-là.
A. K. : Votre collaboration avec les architectes est fréquente, tant au niveau des commandes publiques que des réalisations privées. Comment vivez-vous cette relation, qui a alimenté de nombreuses polémiques au sujet des artistes souvent " laissés pour compte " ?
A. C. : Le projet le plus important sera mon intervention plastique à Riga. Je serai une assistante, une conseillère de larchitecte. Mais là on nest pas dans le cadre du 1 % ! Je travaillerai sur une conception de sols et de grilles. Nous sommes en Lettonie dans lArt Nouveau, une architecture quil me va falloir comprendre.
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Alélie Chabannes, Poupée. |
A. K. : Peut-on parler de vous comme un artiste " concepteur " ? Pensez-vous que cela soit lavenir de lartiste de demain de simpliquer dans une grande variété de vocabulaires et de langages ?
A. C. : Un des types dartiste de demain est certainement dêtre beaucoup de choses à la fois, davoir des connaissances variées et des langages différents à synthétiser dans un même projet. Mais je crois aussi en lartiste solitaire, créant de façon personnelle indépendamment de lenvironnement.
A. K. : Y a-t-il pour vous des exemples réussis de création artistique réunissant architecture et art contemporain en France ?
A. C. : Le travail dIrwin au " Getty Central Garden " à Los Angeles que jai vu présenté au musée du Jeu de Paume par larchitecte Richard Meier ma paru passionnant, car ce nest pas un paysagiste, mais un artiste du Land art à qui on a demandé dapporter sa contribution. Pour ce qui concerne les réalisations en France, jaime particulièrement les " Folies " de Tschumi à la Villette : cest une vraie réflexion dintégration de lart dans lespace au service de lhomme. Lintervention de Daniel Buren au Palais-Royal est de son côté une réussite exemplaire dans un lieu public. Mais finalement les réussites sont des exceptions en France ; hors de France, Barcelone est une ville que jadore, où lart est toujours présent et en rapport avec lextérieur. Gaudi y a réussi une expérience extraordinaire darchitecture-sculpture.
A. K. : " Rendre aux arts leur valeur humaine " a été lenjeu dun combat de longue haleine depuis 1936 avec " lUnion pour lart " créée par André Bloch, qui na trouvé son écho quen 1951 avec le " Groupe Espace ". Pensez-vous que cela soit encore le rôle de lartiste dêtre à la recherche de sens ? Le public est-il dans cette attente ? La démarche dintégration est-elle une réponse ?
A. C. : Les interventions que je vois à Paris ou dans les grandes villes de France sont souvent décalées par rapport aux lieux, aux attentes du public. Les meilleures sont le plus souvent inattendues et controversées dans un premier temps. La Pyramide du Louvre de Pei est une vraie réussite unanimement reconnue après polémiques, de même que les " colonnes " de Buren au Palai-Royal sont parfaitement acceptées après dincroyables controverses. Et les taxis parisiens ont protesté quand il a été question de démonter les Horloges dArman de la gare Saint Lazare ! Cela dit, dune part les gens ont besoin dun temps dadaptation pour aimer même les bonnes uvres, et dautre part trop de créations placées au cur des villes ne parviennent jamais à sy intégrer vraiment : elles sont " à côté " de la ville et non dedans.
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Alélie Chabannes, Poupée, 200-2001. |
A. K. : Que vous inspire le milieu urbain actuel en tant quespace à créer ou recréer pour lartiste ?
A. C. : Evidemment, la ville est un terrain de jeu énorme, et le milieu urbain à réhabiliter une formidable opportunité pour les artistes. Certaines villes sont homogènes, dautres hétéroclites, ce qui appelle des langages, des modes dintervention très variés : Wilmotte, que jadmire, est un de ceux qui lont bien compris.
A. K. : " Lart dans la ville " tend à reprendre une place stratégique sur la scène de la création : simple opportunisme de la part des institutionnels, qui financent ces expositions denvergure, ou de certaines collectivités qui font de lart un outil de communication avec le public ? Ou bien sagit-il dun besoin réel et authentique dartistes de plus en plus nombreux à reconsidérer la ville comme une " galerie vivante " pour se mettre au service de lhomme, au-delà des modes, afin de dialoguer avec lui au niveau du corps comme au niveau de lesprit ?
A. C. : Depuis la Renaissance, lart a été indissociable de larchitecture. Il y a eu cassure au XXe siècle. Les grandes révolutions de larchitecture ont cru retourner à lessentiel par le retour aux lignes pures et par le bannissement du décoratif. Après la cure daustérité incarnée en particulier par Frank Lloyd Wright, après les expériences de Le Corbusier, Fernand Léger et Charlotte Perrian qui prouvent que les artistes nont jamais cessé de collaborer avec les architectes, il me semble que nous revenons aujourdhui à un vrai dialogue entre les artistes et les architectes. Tout nest pas au plus haut niveau bien sûr, et Wilmotte lui-même na pas réussi à mon goût son " Mur de la paix " à Paris, mais dans lensemble ce dialogue redevient fécond, il implique aussi les scénographes et les muséographes.
A. K. : Avez-vous un projet de cet ordre, ou est-il trop tôt pour en parler ?
A. C. : Jaborde en ce moment les questions de lélaboration de luvre et de sa réalisation. Avant de pouvoir construire et installer dans le milieu urbain, il faut beaucoup dappuis et dautorisations. Est-ce que luvre na finalement pas besoin dexister simplement par le dessin ? Est-il nécessaire quelle soit effectivement réalisée, et peut-elle en rester au stade de lidée ? Je travaille avec une architecte, Elisa Weggand, sur une installation photographique qui pourrait être un projet dexposition in situ à venir, dans une rue.
Le plus important dans mon travail, finalement, cest la volonté de rester hétéroclite, dêtre objective aussi. Mon empreinte nest pas encore formée, même si un artiste, cest dabord une personnalité que lon reconnaît, comme disait mon grand père. Jai encore beaucoup à découvrir, des vocabulaires à inventer. En attendant, je suis heureuse que mes collectionneurs aient déjà reconnu ce que je suis. |
Anne Kieffer |
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mis en ligne le 28/11/2001 |
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Amélie Chabannes
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