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Chroniques des lettres
Chronique de l’An VII (3)
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Pour une Dona avec mandoline,
Daniel Dezeuze, Rivière (Sète)
Une leçon de poésie, aussi curieux que cela puisse sembler, c’est un artiste qui nous la donne. Je veux parler de Daniel Dezeuze l’un des fondateurs du groupe Supports/Surfaces et l’un des rares à être resté fidèle à l’esprit de cette époque tout en se renouvelant sans cesse. Son dernier recueil, Pour une Dona, avec mandoline (il ne craint pas de jouer sur le registre de l’ironie), est une superbe pérégrination verbale sur le thème des blasons féminins, des joutes amoureuses et des cartes du tendre. Dezeuze joue – cela va sans dire – sur les mots. C’est le jeu qui prédomine dans ces poèmes, qui semble associer marivaudage et canailleries à la Villon. C’est magnifiquement illustré (avec une sobriété remarquable, mais avec un esprit assez similaire à celui du texte). Depuis des années Dezeuze publie discrètement ses compositions poétiques. Peut-être serait-il bien de les rassembler en un premier volume –, dans l’attente des suivantes.
Les Sept Psaumes de la Pénitence,
Paul Claudel, « Poésie », Seuil


Etrange affaire que ces Sept Psaumes de la Pénitence. Paul Claudel s’est ingénié à traduire de la Vulgate des passages qui lui semblaient mériter une certaine attention. Ce n’est pas aussi absurde que cela pourrait sembler puisque Jérôme avait voulu retraduire la Bible en latin pour remplacer la Septante, qu’il ne jugeait pas assez bien écrite. Il avait convaincu le pape de lui donner toute latitude en avançant un argument irréfutable : jamais Dieu n’aurait inspiré une oeuvre aussi mal écrite. Reste à savoir si Claudel est parvenu à ses fins. J’en suis à moitié convaincu…
Bienvenue Monsieur Gutenberg,
Jean-François Bory, Editions de l’Attente.

Jean-François Bory, incessante lettura,
un’intervista di Sarenco, Nomadnomad

Jean-François Bory,
A life made with words,
Jacques Donguy, Archivio F. Conz


Entre deux ouvrages d’une ambition affirmée, Jean-François Bory aime faire paraître des opuscules où se manifeste la sua inventiva. Ce sont souvent de purs divertissements graphiques, qu’il utilise pour ruer dans les brancards et afficher tout le mal qu’il pense de l’ordre littéraire de notre temps. Bienvenue Monsieur Gutenberg est une pochage irrévérencieuse où le créateur de l’imprimerie est loué pour avoir aboli la censure que suppose la quasi unicité du livre avant lui.Mais cette démocratie s’est changée aujourd’hui en une duplication à l’infini aboutissant à l’effet contraire : l’illisibilité . L’excès numérique a fini par être plus coercitif que la rareté induite par l’incunable. Alors fautil vouer Gutenberg aux gémonies ? En même temps qu’il avait une grande exposition à la Villa Ramaris (La Seynesur- Mer), Bory publiait deux ouvrages permettant de découvrir d’autres aspects de son oeuvre : le premier consiste en un entretien avec Sarenco, abondamment illustré de ses oeuvres plastiques (appartenant à la collection Beradelli), le second, en un parcours monographique élaboré par Jacques Donguy, avec beaucoup de documents anciens. Ces deux ouvrages se révèlent incontournables pour qui veut cerner la personnalité de l’auteur de L’Auteur.
Poésies 1,
Mohammed Dib, édition établie et
préfacée par Habib Tangour, Editions de la Différence

Qui se souvient de la mer,
Mohammed Dib, présenté par Mourad
Djebel, «Minos », La Différence


L’ oeuvre poétique de Mohammed Dib est considérable. Un premier tome vient de paraître à la Diffférence. Elle se caractérise par une simplicité dans son écriture qui est un délice. C’est là le trait commun qui unit ces textes au fil du temps. Ombre gardienne, son premier recueil, a paru en 1961 avec une préface de Louis Aragon. Ce dernier souligne : « De la douleur naît le chant. D’abord étonné de soi-même. Puis on dirait que pour mieux se reconnaître l’homme assure mieux dans sa main le miroir. Ayant comparé le monde et sa parole, s’il poursuit, sur cet instrument donné, c’est comme au premier moment pour ne retrouver que ce qui est de sa gorge. Longtemps il écoutera mourir cet écho des profondeurs. » Et c’est vrai. Quand on lit L’Aube Ismaël, ce chant si pur se fait complexe dans ses articulations, dans les mouvements de l’esprit transposés. D’un livre à l’autre, l’auteur fait alterner deux modes oratoires, le premier en utilisant des vers courts, le second, avec un phrasé long. Cette alternance met en relief la capacité de Dib de renouveler son écriture, qui tire profit de son talent de conteur, comme on le remarque dans L. A. Trip. Sa concision n’a d’égale que sa profondeur. A cette occasion, vient d’être réédité Qui se souvient de la mer. Il s’agit d’une superbe métaphore de la guerre dans une ville qui a pris l’aspect d’un labyrinthe. Il n’y a pas de personnages, mais un narrateur confronté à des foules dangereuses, électriques, changeantes. C’est un livre fascinant et mystérieux, intense et bouleversant.
Genèse 0,
Isabelle Nicou, Editions de la Différence.


La fiction d’Isabelle Nicou dépeint l’Annonciation comme l’intrusion programmée d’un monstre dévorant dans le corps de la narratrice. Dans un climat lourd et onirique, elle relate les événements mi-réels mi-fantasmés qui accompagnent l’« heureux événement », qui lui apparaît comme un cauchemar qui ne peut prendre fin. Le sujet est fort et le rendu prégnant. Peut-être l’auteur manque-t-il un peu de souffle. Mais son livre ne saurait laisser tout à fait indifférent - dans l’attente du suivant.
Une tautologie,
Guy Viarre, « Poésie », Flammarion


Guy Viarre s’est donné la mort à trente ans. Avant de disparaître, il a terminé la rédaction de Tautologie une. Le volume présenté aujourd’hui dans la collection dirigée par Yves di Manno contient ce recueil, d’autres petits volumes et des fragments inédits. Le trait distinctif de tous ces écrits est sans aucun doute une inclination à raréfier l’espace poétique en le rendant presque irrespirable et une expression toujours sur le fil du rasoir de la sensibilité. Son univers est mélancolique, angoissé, parfois plein de rage mais aussi teinté d’un humour aussi noir que l’acedia: « j’éteins je ne veux pas me couper je ne veux/pas écrire que je me coupe je vois loin jusqu’à/l’inquiétude nue écrite je veux éteindre… » Cet ouvrage représente un voyage au-delà d’une nuit saturée de menaces et mérite le détour.
BOURLINGUER I
Mondes lointains et imaginaires,
Francesca Pellegrino,
“Guide des Arts”, Hazan


Les Mondes lointains et imaginaires de Francesca Pellegrino n’est pas seulement une belle machine à rêver. C’est un excellent instrument pour comprendre comment les maîtres d’autrefois ont pu représenter les pays étrangers, les continents lointains, en fonction des connaissances de l’époque, mais aussi des modes, des goûts et des ressorts idéologiques. Dans ces pages, l’auteur étudie comme les Chinois, les Noirs, les Indiens d’Amérique, mais aussi les Juifs ont été traduits sur la toile ou sur le papier, mais il aborde aussi de grands thèmes comme l’orientalisme, le japonisme, l’exotisme, et des points plus précis comme les attractions pittoresques ou les figurants bibliques. Dans une seconde partie, ce sont les créatures étranges ou tout bonnement imaginaires qui sont répertoriées. Ensuite, c’est l’idée du voyage qui est analysée en détail et enfin les principales utopies, celle d’Atlantide par exemple, purement fictive, mais aussi les Indes qui ont tant fait rêver ou la Tahiti du peintre Paul Gauguin. Bien sûr, Francesca Pellegrino a peut-être voulu trop embrasser de sujets dans un seul volume et l’on reste parfois sur sa faim. Quoi qu’il en soit, c’est un bon livre, qui ne peut que donner l’envie de poursuivre ce périple en approfondissant tel ou tel sujet.

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mis en ligne le 30/07/2007
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