Pour une Dona avec mandoline,
Daniel Dezeuze, Rivière (Sète) |
Une leçon de poésie, aussi curieux que cela puisse sembler, cest un artiste qui nous la donne. Je veux parler de Daniel Dezeuze lun des fondateurs du groupe Supports/Surfaces et lun des rares à être resté fidèle à lesprit de cette époque tout en se renouvelant sans cesse. Son dernier recueil, Pour une Dona, avec mandoline (il ne craint pas de jouer sur le registre de lironie), est une superbe pérégrination verbale sur le thème des blasons féminins, des joutes amoureuses et des cartes du tendre. Dezeuze joue cela va sans dire sur les mots. Cest le jeu qui prédomine dans ces poèmes, qui semble associer marivaudage et canailleries à la Villon. Cest magnifiquement illustré (avec une sobriété remarquable, mais avec un esprit assez similaire à celui du texte). Depuis des années Dezeuze publie discrètement ses compositions poétiques. Peut-être serait-il bien de les rassembler en un premier volume , dans lattente des suivantes. |
Les Sept Psaumes de la Pénitence,
Paul Claudel, « Poésie », Seuil |
Etrange affaire que ces Sept Psaumes de la Pénitence. Paul Claudel sest ingénié à traduire de la Vulgate des passages qui lui semblaient mériter une certaine attention. Ce nest pas aussi absurde que cela pourrait sembler puisque Jérôme avait voulu retraduire la Bible en latin pour remplacer la Septante, quil ne jugeait pas assez bien écrite. Il avait convaincu le pape de lui donner toute latitude en avançant un argument irréfutable : jamais Dieu naurait inspiré une oeuvre aussi mal écrite. Reste à savoir si Claudel est parvenu à ses fins. Jen suis à moitié convaincu
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Bienvenue Monsieur Gutenberg,
Jean-François Bory, Editions de lAttente.
Jean-François Bory, incessante lettura,
unintervista di Sarenco, Nomadnomad
Jean-François Bory,
A life made with words,
Jacques Donguy, Archivio F. Conz |
Entre deux ouvrages dune ambition affirmée, Jean-François Bory aime faire paraître des opuscules où se manifeste la sua inventiva. Ce sont souvent de purs divertissements graphiques, quil utilise pour ruer dans les brancards et afficher tout le mal quil pense de lordre littéraire de notre temps. Bienvenue Monsieur Gutenberg est une pochage irrévérencieuse où le créateur de limprimerie est loué pour avoir aboli la censure que suppose la quasi unicité du livre avant lui.Mais cette démocratie sest changée aujourdhui en une duplication à linfini aboutissant à leffet contraire : lillisibilité . Lexcès numérique a fini par être plus coercitif que la rareté induite par lincunable. Alors fautil vouer Gutenberg aux gémonies ? En même temps quil avait une grande exposition à la Villa Ramaris (La Seynesur- Mer), Bory publiait deux ouvrages permettant de découvrir dautres aspects de son oeuvre : le premier consiste en un entretien avec Sarenco, abondamment illustré de ses oeuvres plastiques (appartenant à la collection Beradelli), le second, en un parcours monographique élaboré par Jacques Donguy, avec beaucoup de documents anciens. Ces deux ouvrages se révèlent incontournables pour qui veut cerner la personnalité de lauteur de LAuteur. |
Poésies 1,
Mohammed Dib, édition établie et
préfacée par Habib Tangour, Editions de la Différence
Qui se souvient de la mer,
Mohammed Dib, présenté par Mourad
Djebel, «Minos », La Différence |
L oeuvre poétique de Mohammed Dib est considérable. Un premier tome vient de paraître à la Diffférence. Elle se caractérise par une simplicité dans son écriture qui est un délice. Cest là le trait commun qui unit ces textes au fil du temps. Ombre gardienne, son premier recueil, a paru en 1961 avec une préface de Louis Aragon. Ce dernier souligne : « De la douleur naît le chant. Dabord étonné de soi-même. Puis on dirait que pour mieux se reconnaître lhomme assure mieux dans sa main le miroir. Ayant comparé le monde et sa parole, sil poursuit, sur cet instrument donné, cest comme au premier moment pour ne retrouver que ce qui est de sa gorge. Longtemps il écoutera mourir cet écho des profondeurs. » Et cest vrai. Quand on lit LAube Ismaël, ce chant si pur se fait complexe dans ses articulations, dans les mouvements de lesprit transposés. Dun livre à lautre, lauteur fait alterner deux modes oratoires, le premier en utilisant des vers courts, le second, avec un phrasé long. Cette alternance met en relief la capacité de Dib de renouveler son écriture, qui tire profit de son talent de conteur, comme on le remarque dans L. A. Trip. Sa concision na dégale que sa profondeur. A cette occasion, vient dêtre réédité Qui se souvient de la mer. Il sagit dune superbe métaphore de la guerre dans une ville qui a pris laspect dun labyrinthe. Il ny a pas de personnages, mais un narrateur confronté à des foules dangereuses, électriques, changeantes. Cest un livre fascinant et mystérieux, intense et bouleversant. |
Genèse 0,
Isabelle Nicou, Editions de la Différence. |
La fiction dIsabelle Nicou dépeint lAnnonciation comme lintrusion programmée dun monstre dévorant dans le corps de la narratrice. Dans un climat lourd et onirique, elle relate les événements mi-réels mi-fantasmés qui accompagnent l« heureux événement », qui lui apparaît comme un cauchemar qui ne peut prendre fin. Le sujet est fort et le rendu prégnant. Peut-être lauteur manque-t-il un peu de souffle. Mais son livre ne saurait laisser tout à fait indifférent - dans lattente du suivant. |
Une tautologie,
Guy Viarre, « Poésie », Flammarion |
Guy Viarre sest donné la mort à trente ans. Avant de disparaître, il a terminé la rédaction de Tautologie une. Le volume présenté aujourdhui dans la collection dirigée par Yves di Manno contient ce recueil, dautres petits volumes et des fragments inédits. Le trait distinctif de tous ces écrits est sans aucun doute une inclination à raréfier lespace poétique en le rendant presque irrespirable et une expression toujours sur le fil du rasoir de la sensibilité. Son univers est mélancolique, angoissé, parfois plein de rage mais aussi teinté dun humour aussi noir que lacedia: « jéteins je ne veux pas me couper je ne veux/pas écrire que je me coupe je vois loin jusquà/linquiétude nue écrite je veux éteindre
» Cet ouvrage représente un voyage au-delà dune nuit saturée de menaces et mérite le détour. |
BOURLINGUER I |
Mondes lointains et imaginaires,
Francesca Pellegrino,
Guide des Arts, Hazan |
Les Mondes lointains et imaginaires de Francesca Pellegrino nest pas seulement une belle machine à rêver. Cest un excellent instrument pour comprendre comment les maîtres dautrefois ont pu représenter les pays étrangers, les continents lointains, en fonction des connaissances de lépoque, mais aussi des modes, des goûts et des ressorts idéologiques. Dans ces pages, lauteur étudie comme les Chinois, les Noirs, les Indiens dAmérique, mais aussi les Juifs ont été traduits sur la toile ou sur le papier, mais il aborde aussi de grands thèmes comme lorientalisme, le japonisme, lexotisme, et des points plus précis comme les attractions pittoresques ou les figurants bibliques. Dans une seconde partie, ce sont les créatures étranges ou tout bonnement imaginaires qui sont répertoriées. Ensuite, cest lidée du voyage qui est analysée en détail et enfin les principales utopies, celle dAtlantide par exemple, purement fictive, mais aussi les Indes qui ont tant fait rêver ou la Tahiti du peintre Paul Gauguin. Bien sûr, Francesca Pellegrino a peut-être voulu trop embrasser de sujets dans un seul volume et lon reste parfois sur sa faim. Quoi quil en soit, cest un bon livre, qui ne peut que donner lenvie de poursuivre ce périple en approfondissant tel ou tel sujet. |
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