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Les artistes et les expos
Robert Blanc : un tableau, telle une Constellation |
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Par Gérard-Georges Lemaire |
L art moderne a annoncé la fin de la peinture et, dès les années héroïques du constructivisme soviétique lavènement du dernier tableau. Ce mythe a traversé tout le XX e siècle. Et les artistes qui ont voulu se débarrasser du poids encombrant du châssis se sont révélés de plus en plus nombreux, de Daniel Dezeuze à Pino Pinelli, après les outrages de Lucio Fontana.
Robert Blanc nest pas un iconoclaste de la vingt-cinquième heure. Son désir nest pas de rompre les conventions et de jeter une longue tradition par-dessus les moulins. Il profite plutôt de cette libération des codes formels provoquée par dâpres débats théoriques pour imaginer des uvres qui nappartiennent ni au champ spécifique de la peinture, ni à celui de la sculpture, mais se produiraient dans un entre-deux, une sorte de région intermédiaire de nouvelles limbes pour limaginaire esthétique - où il se sentirait le droit absolu de peindre en volume et de penser les volumes comme des éléments picturaux en relief. La suite duvres quil a imaginées ces derniers temps ont pour trait commun de toutes se présenter de manière frontale sur une paroi verticale. Elles sont constituent déléments de formes et de tailles différentes. Ce sont autant de lettres dun alphabet fantastique. Elles entretiennent les unes et les autres un air de famille comme les pièces dun puzzle. De leur assemblage naît une composition sérielle que lartiste dispose selon une dynamique tourbillonnante. En sorte que cest un cercle imparfait ou sinon une spirale en mou- vantent quil dessine, le tableau devenant ainsi une sorte de nova entraînant des particules qui sont des pictogrammes blancs, noirs ou encore noirs et blancs.
Ces créations possède une double nature: dune part, elles sont dun grand dépouillement plastique, de lautre, elles sont animées par un esprit baroque. Cette tension entre deux termes a priori inconciliables et qui pourtant ici engendre un superbe mouvement esthétique est lexpression la plus flagrante de lesprit de lartiste qui a besoin dutiliser un langage très dépouillé et qui, dans le même élan, sen sert pour mettre en espace une pensée complexe.
La disposition de ces spires qui senroulent sur elles-mêmes procure le sentiment dune puissante machinerie mentale qui se traduiraient par ces fragiles lettrines qui sont emportées par le flux de limaginaire pour métamorphoser notre position dans lespace. Les premières de ces constructions, si je ne me trompe pas, constituaient une sorte de figure intraduisible qui navait de justification que dans leur agencement. Peu à peu, elles se sont ouvertes, elles se sont élargies et se sont diversifiées pour se révéler enfin de vastes mosaïques dissociées et déterminées par le rythme de leur progression sur la surface immaculée et donc neutre du mur.
Robert Blanc élabore et affirme une poésie qui nappartient pas aux règles généralement admises à notre époque. Cest ce qui la rend si forte et si bouleversante. Son originalité foncière et sa volontaire ambiguïté entre formalisme et calliphora- fie, entre de lointaines références à des arts surgis du fond des âges ou des emprunts très sublimés à des civilisations les plus éloignées de nous en font un étrange pari artistique. La grande rigueur intérieure qui en est à lorigine ne saurait exister sans une sensibilité à fleur de peau qui ne peut se délivrer que par le truchement dun langage dont on doit ignorer les clefs pour ne retenir que ses manifestations tangibles.
Labolition des couleurs ou, plus exactement lusage exclusif des deux extrêmes dun spectre hypothétique (1) la cou-leur noire qui abolit toutes les autres et la couleur blanche en laquelle toutes se fondent ou toutes procèdent montre à quel point lartiste tient à postuler sa démarche dans la perspective cruciale dune ultime contradiction au cur de la recherche la plus critique dun art qui ne peut plus être vécu à ses confins les plus risqués. |
Gérard-Georges Lemaire |
1) Cest-à-dire au delà de lanalyse spectrale de la couleur telle que les hommes de science lont défini depuis Isaac Newton et telle que les artistes lont interprété sous son influence. |
mis en ligne le 13/03/2007 |
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