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Les artistes et les expos
" Ce nest pas du cynisme, jy crois vraiment "
John M Armleder Amor Vacui, Horror Vacui MAMCO, Genève |
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Par Timothée Chaillou |
" Shes a model and sheslooking good
Id like to take her home thatsunderstood
She plays hard to get, she smiles from time to time
It only takes a camera to change her mind. "
Kraftwerk, The Model
" Les choses nont pas designifications :elles ont une existence. "
Fernando Pessoa |
Oh ! et puis non (1), lart na pas pour objet dexprimer des idées précises pour traduire une connaissance surdéterminée. Il permet la libre association visuelle pour provoquer le passage du sentiment à lidée, de lidée à limage... Une " image affection ", qui ouvrirait " la porte à la possibilité dune relation intime avec le spectateur, dun usage décoratif affirmé et revendiqué, et semblant convaincre de sa nécessité à se présenter aussi comme un " objet de désir ". " (2) Le processus créatif est au niveau du regard et du trajet quil implique sur lagencement de celui-ci.
Armleder ne se sent pas comme un fondateur (3), il préfère la posture dune " béatitude esthétique " sans se poser de question sur les notions de bon ou mauvais goût. Au lieu de souhaiter une illusoire table rase moderne, sa position renvoie à linvestissement dune personnalité dans une poétique pour une objectivation du subjectif. Luvre dans sa posture décomplexée est alors vécue comme un insert dans un lieu de vie, un élément visible et transmetteur de réel. Viendrait alors la représentation dune circulation des décors pour un événement visuel de lapparition par limage. Pensons aux arrières plans dans le cinéma de Godard (aplats de couleurs, agencements dobjets, référence à la peinture...) qui permettent ces jeux de formes, où lacteur vient sinsérer dans une situation qui le fait incarner un récit fictionnel, en étant élément de décor à lintérieur dun paysage cinématographique.
Dans le cinéma de Kaurismaki ou dAntonioni, les échanges sont des faits caractérisés par leurs matières, pour mettre en état des formes. Un cinéma pour lequel les situations deviennent des mises en plates-formes (pensons à louverture de lEclipse ou la fin de Profession reporter). Laccord et la justesse des effets visuels relèvent de la passion de ce qui fait image en dehors de tout symbolisme pour préserver une réalité en construction. Ces structures temporaires que sont les films (ou lex-position) vivent au travers de prises de représentation, où linstant est un cadre filmé sous un angle différent.
Le capitalisme cognitif, naissant à lère du post-modernisme, fait intervenir les savoirs et les informations comme matières premières de notre économie. Ce basculement, face au modèle
de la démocratie industrielle (affirmant le caractère improductif du travailleur intellectuel), fait intervenir la circulation et la transmission des flux de connaissances comme base de nouveaux potentiels pour un processus productif global. Lartiste se trouve face aux possibles quoffre cette disponibilité de limage et des informations pour sen servir comme un répertoire, un échantillonnage, un moteur de recherche prêt à être utilisé, pour générer des potentiels et des activités.
Lexposition ne serait plus un territoire répertorié, mais engendrerait des reconfigurations indéfinies pour une collectivisation des savoirs. " Manipuler lobjet produit " pour laccomplir dans un nouveau scénario. Les dispositifs dArmleder engendrent des relations constituant un processus formel basé sur léchange, le geste culturel trouve sa justification dans son placement en dehors de tout isolement autarcique, pour une superposition dintérêts et de désirs.
" Opportuniste ", " paresseux ", " preneur de formes disponibles "... Armleder ne cesse de rappeler ses vertus, qui peuvent le rattacher au " rien na dimportance " des films de Godard, qui nous permettent de vivre lexpérience esthétique de loeuvre en tant quelle na dautre finalité quelle-même et le plaisir (quasi gustatif) quelle procure. Comme il le rappelle, " une sorte de déviance érotique ". Le moyen adéquat de luvre serait donc lieu de plaisir alors que " personne nest responsable de rien, rien na de sens " (4) et quArmleder fait " des choses sans en avoir lair et autant que possible sans le formuler " (5) tout en sachant quutiliser un objet cest avant tout lintercepter pour le traduire, lui générer une activité.
Quelle justesse que doffrir la quasi totalité des salles du MAMCO (première en douze ans dexistence) au " foisonnement " dArmleder. Lui qui vit sa démarche artistique sous la forme dun millefeuille trouve ici un écrin parfait dans ce lieu qui sexpérimente plus quil ne célèbre. Un catalyseur adéquat, offert à une exposition qui représente " un cumul, une synthèse momentanée " (6), sans souhaiter de narration linéaire (entreprise impossible par les enjeux constitutifs de luvre de lartiste) mais préférer le choix de suivre une uvre de sa production à sa mise en médiation. Le visiteur regarde donc des activations de possibles, un nouveau mode décriture et de montage. Chaque ensemble duvres est au service dun acte.
Le musée se rythme dabstractions, dinstallations, de fourniture sculpture... Sans que les catégories sorganisent. Il ne resterait quà sentir une atmosphère, une marque assez voluptueuse, voire douce. Climat diffusé par la présence du caractère souple et informel du mobilier, dun tas de vêtements ou de fleurs en plastique, de labondance de la figure du point, de labsolutisme des peintures, du flou de certaines photographies. Par lensemble des pièces de plexiglas assouplies, leffet vibratoire des cibles de néons, les murs recouverts de papiers plastique vert métallique et scintillant, les plissés des tentures et de certaines toiles ainsi quune salle recouverte de coton.
" Cest une fiction dans laquelle jentre, une illusion sollicitée et consentie, une hallucination douce et collective. " Etienne Souriau, La correspondance des Arts. |
Timothée Chaillou |
1) Exclamation introductive de lexposition du MAMCO et phrase inscrite sur le mur dune maison prés de chez Armleder qui formule son souhait quaucune " dépense dénergie " ne soit accordé aux choses quil fait.
2) Eric Troncy, Documents sur lart N°11.
3) " Je ne fais rien dautre que les autres naient déjà fait une fois. " in John M Armleder, Kunstmuseum Winterthur, 1987.
4) John M Armleder, 17 Novembre 2006.
5) John M Armleder, Kunstmuseum Winterthur, 1987.
6) John M Armleder, Semaines N°01. |
mis en ligne le 13/03/2007 |
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