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Les artistes et les expos
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Par Jean-Luc Chalumeau |
B. Philippe, " point(s) de suspension " |
On entre dans latelier de B. Philippe et lon est saisi en apercevant, de loin, ce qui semble être une répétition de modules unitaires : de minces toiles verticales, chacune habitée par une unique forme. On imagine un instant que la démarche de lartiste est comparable à celle dun Carl Andre, marqué par les alignements mégalithiques contemplés dans lenfance. Or ce nest pas cela : lart nen aura sans doute jamais fini avec la répétition, mais Philippe ne fait que répéter un format et un parti : celui de peindre des personnes, seules sur fond écru. Toutes ont les pieds nus, toutes sont jeunes. Garçons et filles de la génération de Philippe, tous connus de lui et tous fortement individualisés. Il leur a demandé de se coucher sur le sol, libres de leur comportement, il les a photographiés en se plaçant au-dessus deux, les clichés ont été photocopiés et sont devenus la matière première dun étonnant travail de peinture. Les voici présentés à la verticale, et une légère ombre portée à la base de chaque sujet contribue à perturber le spectateur : étranges positions que celles de ces jeunes gens dont il est indiqué quils sont debout, mais dont on se demande comment ils parviennent à garder leur équilibre. Aucun ne " pose" devant nous car aucun ne nous regarde : on est revenu aux personnages absorbés de la peinture classique. La touche est vigoureuse: de très près elle rappelle celle de lexpressionnisme abstrait. Dun peu plus loin elle est efficace: B. Philippe peut être réaliste sil le veut. Mais il semble avoir en tête autant Velasquez et Manet que les pop et les hyperréalistes. Bref : un magnifique et savoureux exercice plastique construit sur une énigme visuelle qui ajoute à son charme. On reparlera de ce jeune peintre à la fois totalement en prise avec son temps et intimement relié à lhistoire de son art.
(Galerie Le Garage, Orléans, novembre-décembre 2006) |
In/visible. collection. Productions Frac Lorraine |
Le Frac Lorraine, dont la directrice est la très remarquable Béatrice Josse (les lecteurs de Verso ont fait la connaissance de lactuelle présidente de lassociation des directeurs de Frac dans un précédent numéro à loccasion dun entretien quelle avait accordé à Thierry Laurent), publie un ouvrage bilingue français-anglais présentant sa collection et ses " productions ". Ce livre de 336 pages est une mine dinformations pour qui veut se mettre au parfum de ce qui passe pour le plus actuel, le plus branché aux yeux dun fonctionnaire de lart contemporain en France. Lun des artistes apparemment préférés de Béatrice Josse est ainsi Thomas Hirschhorn : le Frac Lorraine a produit avec lui linstallation M2 Social Metzen 1996, et a acquis la Vidéo Thank You de 1995. M2 Social Metz Était une construction accolée à une baraque de chantier dans un quartier défavorisé de Metz. Dans son introduction, Béatrice Josse cite lartiste : " Je veux faire quelque chose de non propre, de sale, de non protégé car je crois quil ne faut pas se protéger ni soi ni son travail ". Page 130, à propos de Thank you, nouvelle citation : " Mes vidéos sont ennuyeuses, répétitives, trop longues
" Au lecteur éventuellement étonné, une explication est donnée par la notice signée F.P. : il sagit " dune démonstration que le rôle de lartiste est de résister à lintelligence de la société libérale, par la bêtise et labsurdité ". Il faut prendre ces propos au sérieux : Hirschhorn, comme beaucoup dautres sélectionnés par le Frac Lorraine, témoignerait du désespoir de lartiste confronté au capitalisme globalisé triomphant, devant lequel il ny aurait plus rien à faire.
On ne demande certes pas aux artistes de célébrer lorganisation de la société, on attend même plutôt deux quils en dénoncent à leur manière les imperfections : lhistoire est pleine de tentatives en ce sens, parfois utopiques, souvent passionnantes (" non pas peindre la révolution mais révolutionner la peinture " proclamait le groupe Support/Surface en 1967). Mais aujourdhui ? Lartiste selon Hirschhorn ne se bat plus : il se couche et ne sait plus répondre que par " la bêtise et labsurdité " à une société qui, heureusement pour lui, aussitôt lapplaudit. Ce nest pas le moindre paradoxe de notre époque : Thomas Hirschhorn fait exactement ce quil dit : des choses réellement ennuyeuses et plus ou moins sales. Le résultat, cest, par exemple, lattribution du prix Marcel Duchamp, une exposition au Centre Pompidou, des achats officiels
La société libérale est bonne fille ! A moins que ses représentants, qui ny comprennent absolument rien, se fassent avoir par certains acteurs fort habiles dans ce que George Dickie appelle le " monde de lart ". (la société libérale ne serait donc pas si intelligente que ça !). Admirons la performance sociologique dHirschhorn. Quant à ses uvres, il nous a clairement indiqué lui-même quelles ne valent pas la peine dêtre regardées.
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Jean-Luc Chalumeau |
mis en ligne le 13/03/2007 |
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