Lautoportrait envahit aujourdhui loeuvre de Gilles Ghez. Ni celle-là, ni celui-ci ny gagnent en transparence. Obscur à soi, lartiste sexhibe avec insistance pour mieux nous échapper, tentant peut-être se séchapper à lui-même. Enfermé dans sa vitrine, tel le Saint Sacrement dans son ostensoir ou une putain de Hambourg exposé à quelle adoration, à quelle (auto-) dérision ? La vitrine fonctionne aussi comme le miroir de Narcisse.
Dans loeuvre que jai sous les yeux, lartiste sest représenté « en grande conversation », comme on dit, avec une statue. Il gesticule, comme un qui argumente avec véhémence, qui proteste, qui ne sen laisse pas conter. Si je précise que cette statue nest autre que le Sphinx, on comprendra le caractère on ne peut plus énigmatique de la scène, caractère qui contraste avec la trivialité du décor : un square en ville, un banc public, le tout bien fermé (comme laime Ghez, un adorateur du clos) par deux arbres et une grille. Un square comme celui où le héros de La Nausée regarde fixement une écorce, avec les conséquences métaphysiques quon connaît.
Le Sphinx, à qui il ne manque que la parole, a dû poser la devinette. Mais je ne crois pas que Ghez, à grands renforts deffets de manche, soit en train de sefforcer de la résoudre. On dirait plutôt quil engueule le monstre lequel, soit dit en passant, est plutôt jolie fille, malgré sa queue de lionne et son teint pierreux. Ce serait une manière toute ghézienne de se tirer dembarras dans la tradition dune version de la légende où OEdipe ne sembarrasse point de deviner lénigme mais embroche tout bonnement la femme-lion dun coup de lance. Laissons aux disciples de Freud le soin dapprécier cette manière pénétrante daborder le mystère de la femme !
Espace fermé, paroles gelées, nous sommes au coeur du système ghézien : « explosante fixe ». Or noublions pas quen grec le mot sphinx évoque le geste denserrer, la constriction, létouffement. On comprend pourquoi Ghez, vissé sur son banc, sanglé dans son complet trois-pièces, encombré de son sempiternel cabas, enfermé dans le square et dans cette vitrine sagite, se débat, lance des S.O.S. avec ses bras sémaphores: porteurs de signifiant. |