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Dossier Ivan Messac
Entretien avec Ivan Messac (suite) |
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Ce serait de fausses sculptures, puisquelles sont en carton ?
Disons quelles sont trompeuses. On les a dites fausses ces sculptures
Deux questions se superposent. Lune dordre général : quest-ce quune sculpture en tant que catégorie ? Existe-t-il une vraie peinture, un vrai dessin, gravure, dessin, vidéo, etc ? Une installation doit-elle se ranger dans la catégorie sculpture ? Ou encore, les objets fabriqués par lhomme sont-ils des Ready-mades ? Reste que la sculpture existe, la peinture aussi, la gravure, la vidéo, etc. Lart a beau être global, des catégories subsistent effectivement. Peut-on en conclure que tous les objets organisés dans lespace sont des sculptures ? Doù la seconde question : avons-nous à faire à une sculpture ? Définitivement oui, mais peut-on se fier à la parole de lauteur ? Est-ce que tailler ou modeler participe de la même conception de la sculpture ? Est-ce que, construire en carton et donner lapparence dautres matériaux
Je dois reconnaître que les sculpteurs, à lexception de Daniel Pontoreau, ne mont pas reconnu demblée comme lun des leurs. Quant aux autres artistes, pouvaient-ils assimiler mes propositions à de la peinture ? Côté collectionneurs, ce nétait pas toujours très évident. Lun deux, qui nest pas des moins fidèles, a renoncé à lachat dune de mes pièces en carton car pour lui la sculpture était associée à la notion de pérennité, difficilement applicable à ce matériau. En général, la sculpture en carton nest pas tellement prise au sérieux. Parfois, elle lest trop : je me souviens avoir montré des photos de ces sculptures à un galeriste au Canada. Je sentais quil appréciait poliment, mais sans plus. Lorsque je lui révélai quelles étaient faites de carton, son regard changea du tout au tout. Là, ça lintéressait. Lillusion de la matière devenait soudainement un argument positif. Et cest bien pourquoi je lui avais parlé de ce que les photos ne laissaient pas voir. Tout le charme était là. Un peu comme dans lérotisme, où ce sont les mots que nous associons aux images qui provoquent notre désir.
À lorigine de la sculpture, on trouve le dessin
Le dessin, cest une façon de désirer la chose avant de la posséder. Il y a deux types de dessins. Celui qui sapparente au projet de la sculpture, avec des formes dessinées dans lespace, comme une pré-représentation de lobjet. Parfois ce dessin est très élaboré et même rehaussé à laquarelle. En effet, ne sachant pas si je réaliserai chacune de mes esquisses, ne serait-ce que par manque de temps, je voulais les pré-voir le plus précisément possible. Donc, pour quelques-unes, le dessin est très abouti, pour dautres il est resté à létat desquisse. Limportant étant de fixer sur le papier une idée. Mais il est bon parfois de jauger la forme, de lenvisager sous dautres points de vue, den voir les développements possibles. Le dessin sert donc à tester la future sculpture, à voir comment la forme initialement pensée pourrait se décliner. Dautre part je ne devais pas perdre de vue que les formes imaginées allaient être construites à partir de feuilles de carton. Cest donc un peu avant de les réaliser que je faisais un second dessin sur papier kraft, une sorte de plan à léchelle 1, qui serait par la suite reporté sur les feuilles de carton. Cette nouvelle phase me permettait de redessiner la forme, de la compléter, de la parachever. Mais ces deux dessins ne définissaient pas définitivement la forme. Au moment de la fabrication et de lajustement des différents composants, des modifications, dues aux renflements des surfaces courbées, apparaissaient. En construisant la sculpture, jexécutais les torsions indiquées par le dessin et les dimensions sen trouvaient modifiées. Alors je devais moduler une dernière fois la forme de chaque élément en le redessinant dans lespace. En résumé, il y avait trois phases de dessin : projet, plan et exécution.
Ces sculptures sont déterminées par le chiffre 3. Elles sont « délimitées » par trois matières bien distinctes : métal/acier, marbre/pierre et bois/cuir/peau
Dès mes premiers tableaux, le chiffre 3 semble occuper une place importante. Il sagit alors du fait que je nutilise que trois couleurs par oeuvre. Puis à loccasion des lectures que minspire la série des Indiens (1971/72), je découvre le langage des signes dans lequel un objet vaut pour lui-même, deux pour deux, mais trois vaut aussi bien pour trois que pour un groupe plus étendu. Trois arbres peuvent signifier une forêt, et trois personnages une famille sans en préciser le nombre denfants. Un peu comme pour les impôts en France, lenfant ne vaut quune demi-part. Donc, trois vaut pour deux et demi. Mais lon voit bien que ce troisième élément est celui qui constitue le potentiel du groupe. Pour simplifier, et de manière symbolique, jai choisi trois éléments pour signifier tout un univers. Dautre part, cela marrangeait de penser que jassociais les trois matériaux traditionnels de la sculpture : métal, pierre et bois.
Une idée forte se dégage de cette sculpture, cest le mouvement, ou lillusion dune certaine tension, symbolisée par larc, la poulie, lhélice
Jai du mal à répondre
Néanmoins, la conception du mouvement me renvoie aux conceptions futuristes apparues au début du XX ème siècle. Il est vrai quelles mont intéressé à plus dun titre. Notamment, comme artiste issu des événements de 1968. À ce propos, je crois que les artistes sillusionnent beaucoup sur le parallèle qui pourrait exister entre leur désir dun monde merveilleux, poétique et harmonieux où lart aurait une place primordiale et les changements qui révolutionneraient les sociétés. Du coup, ils simaginent que ces bouleversements ont à voir avec ce à quoi ils aspirent. Si fait quils adhèrent sincèrement à des idées non par bêtise, mais par aveuglement, générosité et enthousiasme. Du côté russe, Rodtchenko sest peut-être laissé trop embarquer. Dautres en sont morts (Meyerhold, Maïakovski), ou se sont cloîtrés dans une attitude ambiguë, comme Chostakovitch qui a résisté à sa manière. En Italie, lattitude a été identique avec ce besoin de balayer un art ancien, véhiculant les valeurs de lAntiquité et de la Renaissance. Mais de nombreux futuristes sont morts durant la 1ère guerre mondiale, avant larrivée de Mussolini au pouvoir.
Le Futurisme, avant tout pour sa valeur esthétique ?
Oui, pour la richesse plastique de ses productions ; oui aussi à sa volonté de tout changer y compris la cuisine ; oui encore pour ses inventions comme le bruitisme de Russolo. Mais on a parfois mal interprété mon intérêt pour le Futurisme. Tout comme cela sest produit lorsque je me suis intéressé aux panneaux électoraux. Il sagissait pour moi de les considérer comme des lieux de représentation, au même titre que des tableaux, et non comme les véhicules dun quelconque message politique. Je souhaitais montrer, en quelque sorte, un Musée dans la rue. Je ne cherchais nullement à faire une peinture de propagande, je tentais par la voie de la peinture de questionner le lieu de labsence quest toujours la représentation en lui opposant lacte de peindre qui est la présence même.
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Franck Mallet |
mis en ligne le 01/03/2006 |
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Dossier Ivan Messac
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