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[verso-hebdo]
07-04-2011
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La lettre hebdomadaire de Jean-Luc Chalumeau |
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Hiver de la culture |
Il y a très longtemps que je lis Jean Clair. Un an après la sortie de ma première « Introduction à l’art d’aujourd’hui », il avait publié un éclatant « Art en France », en 1972, qui m’avait enthousiasmé, et pas seulement parce qu’il venait confirmer mes choix d’alors : je découvrais une plume talentueuse au service des artistes les plus novateurs dans le champ, alors passablement confus, des arts visuels que l’on n’appelait pas encore l’art contemporain. Onze ans plus tard, ses « Considérations sur l’état des beaux-arts » sous-titrées « critique de la modernité » (Gallimard, 1983) firent l’effet d’une bombe. Quoi ? l’ancien rédacteur en chef des Chroniques de l’art vivant (la revue financée par Aimé Maeght) brûlait ce qu’il avait paru adorer ? J’avais eu alors un entretien avec lui au cours duquel il s’était expliqué : « Il est un peu paradoxal que les grandes institutions comme Cassel ou la Biennale de Venise soient consacrées à l’exaltation d’une modernité. C’est contradictoire dans le propos. La modernité a toujours été une rupture par rapport à l’institution, jamais la confirmation de quoi que ce soit ». Il n’avait pas tort, et c’est à ce moment qu’il est parti en guerre contre tous ceux qui commençaient à pratiquer ce qui n’était à ses yeux que de pseudo-ruptures, donc des impostures.
D’entrée de jeu, sa critique était apparue radicale : « À cinquante ans de distance, Ben refait Picabia, Schöffer refait Moholy-Nagy, Ryman refait Malevitch, Beuys refait Schwitters - encore ne comptera-t-on pas ici les innombrables petits maîtres. Cet art qu’on a prétendu du toujours nouveau est en fait celui du toujours pareil. De là aussi qu’il dégage aujourd’hui une telle impression d’ennui. » (« Considérations... », p. 111) Progressivement devenu le grand contempteur de l’ « Art contemporain » il allait accentuer ses attaques, jusqu’à faire, par exemple, de Beuys un néo-nazi qui « dissimulait sous l’utopie qu’il prétendait fonder dans ce qu’il nommait l’Aktion, une idéologie terroriste et irrationaliste, fortement imprégnée, dans ses rituels comme Celtic + ou Bâton eurasien, des souvenirs du Blut und Boden » (« La responsabilité de l’artiste », Gallimard, 1997, p. 63) Dix ans plus tard, était annoncé « L’automne de la culture » avec la dénonciation des pratiques des musées accusés de se dévoyer : Le Louvre en particulier, coupable de se projeter à Abou Dhabi. « La formidable crue des images qui a été la cause de l’avènement du monde technique, à la fin du XIXe siècle, n’aura pas suffi à irriguer nos déserts. Abou Dhabi, et les palmiers sous lesquels nous irons nous asseoir, n’est pas le désert des origines, mais son contraire, un dôme artificiel, vide et climatisé, ou Évagre n’a plus sa place » (Malaise dans les musées, Flammarion, 2007).
Et voici qu’aujourd’hui, nous passons de l’automne à « L’hiver de la culture » (Flammarion, 2011). Jean Clair remet le couvert, plus atrabilaire que jamais (à propos de Bill Viola il avait écrit : « j’entends encore les paroles extasiées de mes collègues à Venise, vantant le génie de cet artiste prétentieux et médiocre, quand je ne vois ici qu’une apologie du kitsch », Journal atrabilaire, Folio Gallimard, 2006, p.154). Je lis toujours cet académicien retranché dans ses certitudes, qui ne prend plus la peine de vérifier ce qui lui vient au fil de la plume (non, maître, l’exposition de Harald Szeemann intitulée Quand les attitudes deviennent formes n’a pas eu lieu en 1972 à Cassel, mais au printemps 1969 à Berne), cependant je le lis avec beaucoup moins d’enthousiasme que jadis. Il est trop facile de réduire l’art contemporain aux turpitudes d’un délinquant sexuel emprisonné pour viol de mineure (Otto Muehl) ou, comme le fait une dame spécialisée dans la détestation de l’art actuel citée par l’auteur, de n’y voir qu’une « fascination pour le sang et les humeurs corporelles, et jusqu’aux excréments, coprophilie et coprophagie » (p. 70). Jean Clair se répète par ailleurs un peu trop, notamment quand il attaque André Malraux, et il nous laisse sur notre faim quand il veut nous expliquer par quels mécanismes pervers des œuvres sans intérêt - un veau coupé en deux dans un bac de formol par exemple - atteignent des cotes stratosphériques. L’hiver de la culture n’est décidément pas le meilleur livre de l’ancien directeur du Musée Picasso. Attendons le suivant.
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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