Prenons par exemple la pièce "La Nuit de l'Ours" de l'espagnol Ignacio del Moral, efficace auteur contemporain qui nous montre la condition d'adolescents oisifs, paumés, pré-délinquants, ayant subi les heurts psychologiques d'un pathos familial, et sociologiques d'un environnement désastreux : nous avons là toutes les charbonneuses esquisses d'une accablante oeuvre naturaliste... Or, l'auteur espagnol n'a pas oublié de nous rappeler que l'adolescence, âge des crises désespérées, est aussi période de la vie où la sève bouillonne, et qui capte le maximum d'énergies. La mise en scène étonnante d'Agathe Alexis exalte justement, par-delà les malheurs conjoncturels, cette dimension roborative de la jeunesse. Par le mime, la gestuelle et un ballet admirable d'une superbe tonicité, avec ses trois acteurs danseurs, elle nous a façonné un spectacle finalement dynamogène, exaltant le désir, alors qu'une terrible déréliction et des pulsions destructrices inquiétantes étaient à l'oeuvre dans cette histoire sordide... Bien entendu, rien ne prouve que cette mise en scène stimulante, comme d'autres, obéit consciemment à ce principe qu'il ne faudrait pas derechef accabler des spectateurs déjà moroses et maussades. Mais qu'en divers choix et à l'insu de tous, un tropisme vers tout ce qui est tonique se manifeste dans ces périodes récessives, cela, il est difficile de l'exclure d'emblée !