Au Théâtre du Rond-Point, on n'arrête pas depuis quelque temps de programmer différents spectacles d'une fantaisie débridée (dans cette chronique par exemple, tout le bien a été dit et redit concernant le spectacle "Semianyki", par le Teatr Licedei, troupe russe de clowns, créée en 1968 à Leningrad), des pièces hilarantes en tous genres, d'ouvrir des cycles "rire de résistance", etc. Au Théâtre du Rond-Point, le rire semble perpétuel. Et les foules se pressent là pour décongeler leur mental glacé par les rigueurs du temps ! Nulle ironie dans ces propos : le travail de Jean-Michel Ribes, dirigeant ces lieux, est tout à fait remarquable, aussi bien par l'ouverture gourmande à des talents venus d'ailleurs que par les démarches originales qui animent les spectacles concernés... Et "L'art du rire" offre ces deux caractéristiques, car Jos Houben, qui l'a écrit et mis en scène, nous vient de Belgique, et son propos, sa méthode s'avèrent tout à fait hors du commun. Il nous fait rire en effet tout en nous dévoilant... un certain nombre de mécanismes du rire ! Or l'on sait que la théorisation sur le rire reste une affaire sérieuse, impliquant un certain nombre de sciences humaines, et que nombre de conférences sur l'humour en sont radicalement dépourvues. Mais la force de Jos Houben consiste à passer par le langage du corps, la symbolique du geste pour nous montrer, exemples joués à l'appui, que nous dévoilons beaucoup sur nous-mêmes, rien que par notre démarche, nos attitudes, certains mouvements, etc. Et comme notre fantaisiste conférencier est aussi un champion de la pantomime, son cours d'anthropologie du rire a de fortes chances d'être mémorisé ! L'imitation, la "mécanique plaquée sur du vivant" (Bergson) font rire. Jos Houben évite les principales faiblesses du comique : la malveillance et la vulgarité. La compréhension de l'humain est amplifiée, l'hilarité se déploie sans mauvaise conscience a posteriori : tout bénéfice !
Quelques lignes encore sur les programmations toniques du Théâtre de la Cité Internationale cette fois. L'un des cycles, tout à fait réussi par ailleurs, comprenant arts visuels, cirque, danse et théâtre, s'appelait "Des-illusions" : il était troublant de se dire qu'on puisse transfigurer les désillusions par... des illusions ! Comme l'écrit Stéphane Bouquet, dans le dossier de presse, à propos de cette reviviscence de la magie : "si elle a lieu précisément maintenant, c'est aussi qu'elle propose utopie et réenchantement à un monde passablement attristé". Mais on lisait aussi une autre réflexion sur un festif merveilleux qui peut endormir les vigilances...