Quel potentiel narratif accordez-vous ou recherchez-vous pour les différents projets réalisés?
Dès le premier film sur Kafka, et, à plus forte raison, dans les séries d’images qui ont suivies, il était établi qu’il ne s’agissait en aucune façon d’illustrer Kafka. C’était bien plus la rencontre de deux imaginaires, l’un fécondant l’autre, et aboutissant à une création à part entière en réponse à une autre création préexistante dans le temps. Si la narration est présente, et si elle assure la fidélité au texte, elle n’est que le squelette du travail. Le récit donne le point de départ à l’imagination, et l’image qui en sort doit avoir une vie autonome. Le style de Kafka, est exempt de la moindre coquetterie, du moindre superflu, même si parfois il va jusqu’à nous donner des précisions anatomiques. La fidélité à ses récits, assure la cohérence et l’homogénéité du travail plastique. Mis sur orbite par le puissant moteur que constitue le texte, j’ai ensuite toute liberté pour explorer un univers qui s’ouvre à moi de façon exponentielle.
Votre collaboration avec Gérard-Georges Lemaire, écrivain, critique et commissaire d'exposition, vous conduit-elle sur un terrain artistique inexploré encore? Qu'attendez-vous de la mise en œuvre des projets avec lui, un homme de lettres?
Ces dernières années, le rôle de Gérard-Georges Lemaire, a été déterminant sur plusieurs points. Outre le soutien à ma création, ça a été la découverte de vastes pans de la littérature qui m’étaient inconnus. Ça a été la possibilité de montrer mon travail dans des lieux importants, et de rencontrer des artistes de différentes nationalités, aux pratiques très variées, de créer des liens d’amitié et des échanges avec certains. C’est l’occasion de sortir de la « caverne » de l’atelier, de se confronter avec l’extérieur, et d’y être questionné.. Je connais la façon dont les artistes parlent entre eux de leurs créations ; avec le regard d’un écrivain il y a des références culturelles nouvelles, une lecture de l’œuvre différente.
Avez-vous envisagé des créations complètement détachées de tout support textuel?
Pendant des années j’ai peint sans référence à des œuvres littéraires. Mais il y avait toujours une épine dorsale, un thème qui organisait l’ensemble : Périple, Rémanence, Les Trois Grâces… Actuellement, je développe en collaboration avec l’artiste Catalan Jordi Cerda, un projet mettant en rapport l’Ecole de Barbizon et l’Ecole de Olot, en Catalogne, sans référence à un texte. Il en est de même pour toutes les séries intitulées Parallélisme. Je ne me sens pas lié à la littérature, même si elle m’a beaucoup apporté. Je ne sais pas ce que je ferai demain.