Une autre fleur est entrée dans la mythologie personnelle de Youngju : la tulipe. A l’inverse de la marguerite, si commune, la tulipe a été une fleur recherchée et qui a été l’objet de convoitises et de transactions difficiles à comprendre de nos jours. Cette fleur de la famille des Liliacées porte un nom dérivé du turc, tülbent. On l’appelait aussi lali. Elle poussait essentiellement en Crimée et autour de la Mer Noire. Elle fut la passion du grand sultan Soliman Ier. Elle était si prisée dans l’Empire ottoman qu’elle donna son nom à une époque de grands changements, l’ère des Tulipes. Le sultan Ahmet III l’appréciait tant qu’il décida d’organiser des fêtes fastueuses en son honneur. Il installait dans son palais des étagères où ces fleurs étaient placées dans des vases magnifiques, entourés de boules de cristal et d’étoffes précieuses. Les invités devaient porter des costumes dont les couleurs étaient en accord avec leurs couleurs. Ces divertissement étaient si dispendieux qu’ils causèrent la perte du Grand Seigneur : il fut assassiné parce qu’il dilapidait le Trésor impérial. Le commerce des tulipe était sévèrement réglementé : il était limité à la capitale, Istanbul, et les peines pour ceux qui contrevenaient cette loi étaient sévères.
On croit savoir que les tulipes furent introduites en Occident par le biais de l’Angleterre en 1578. Mais les historiens ne sont pas tous d’accord sur les dates de son introduction : on la trouvait déjà à Augsburg en 1559 puis à Bruxelles vers 1560 et enfin à Anvers en 1581. Mais ce fut dans les Provinces-Unies qu’elle connut une faveur déraisonnable. Le diplomate flamand Ogier de Busbecq (dit Bubescquius), qui se trouvait à la cour de Soliman, a écrit des lettres qui en vantait les beautés. Il envoya plusieurs bulbes à son ami Carolus Clusius, qui était l’intendant de l’hortus botanicus de l’université de Leyde. La tulipenmanie, comme on disait en néerlandais, s’est répandue très vite. On en connaissait à l’époque quarante-sept variétés. Et sa culture est développée à Leyde par Charles de l’Ecluse.