Elle nous offre ainsi matière à méditation, à extrapolation, à toutes sortes d’interprétations. La puissance d’une œuvre ne réside pas dans sa complexité, dans son opacité cognitive, mais dans sa faculté d’engendrer des images qui enrichissent notre univers mental et notre appréhension sensible de la nature. La marguerite jaune, blanche ou or, ou la tulipe rouge et blanche, est un pur paradigme. Un leurre – un piège pour capter l’attention et contrer l’attention. Le vent est aussi métaphorique, puisqu’il se matérialise par cette fleur qu’elle soulève ou dépose sur le sol. La fleur peut donc très bien s’estomper au terme du parcours qui nous conduit de vision en vision, comme si le mouvement des idées qu’elle suggère était une machine à fabriquer des analogies et des figures qui nous fait aller jusqu’au fin fond de notre théâtre de la mémoire pour retrouver les valeurs de la fable. Peu importe ce qu’elle a été au commencement du temps de la création : elle peut encore subsister comme telle à partir du moment où elle nous a permis de voyager dans le temps peu raisonnable mais tellement délectable de l’émotion esthétique, petite ou grande. Alors, qu’importe ce que le mot « art » implique : l’art est présent ici – ou absent malgré la prégnance matérielle -comme le sont la marguerite et la tulipe de Youngju Oh : presque à contre-pied, comme un doux et ambigu simulacre - à chacun d’entre nous d’y puiser sa vérité et de se laisser porter par la brise légère jusque là où elle entend nous faire aller – dans une région secrète de sa pensée.
Milan, juillet 2010