Outrenoir, Pierre Soulages, entretiens avec Françoise Jaunin, La Bibliothèques des Arts, 186 p., 15 €.

Pierre soulages a fait ses études à Montpellier et c’est sans doute pour cela qu’il affait cette importante donation au musée Fabre. Comme sa dernière exposition au Centre Pompidou, qui était avant toute chose une reconstruction de son aventure artistique, complètement placée sous le signe du noir (ce qui est en grande partie un mensonge !), l’artiste recompose les moments de son existence : Rodez, Montpellier, Conques, où il a eu la révélation de l’art roman, qui a joué un si grand rôle pour lui.
Il insiste beaucoup sur ses expositions à New York et sur le grand nombre de collectionneurs américains – ce qui est sans doute le cas aujourd’hui, mais peut-être pas après guerre, quand il expose pour la première fois en 1949. Mais, au moins, de ces entretiens, il nous épargne ce qu’il a déclaré dans le film du Centre Pompidou : Franz Kline l’aurait imité après avoir vu ses œuvres ! Bien des critiques et responsables de musée l’ont cru sans vérifier – la preuve que le cocorico n’est pas encore remisé au grenier. Mais cet ouvrage est intéressant car il ne nous sert les trois anecdotes sur le noir et le blanc et évoque, par exemple, son travail de décorateur de théâtre, en particulier pour Héloïse et Abélard de Roger Vaillant.

La Maladie blanche, Karel Capek, traduit du tchèque et préfacé par Alain van Crugten, « Minos » La Différence, 160 p., 7 €.
R.U.R., Karel Capek, traduit du tchèque par Jan Rubes, préface de Brigitte Munier, « Minos », La Différence, 220 p., 8 €.

Karel Capek (1890-1938) a été l’un des plus grands écrivains tchèques de l’entre deux guerres. Ami intime, de Masarik, le premier président de la Tchécoslovaquie, il a incarné un esprit nouveau en littérature. Il écrit un grand nombre d e romans, de nouvelles, de récits de voyage et aussi des pièces de théâtre. L’Affaire Makropoulos (1922) est adapté par Leos Janacek pour son célèbre opéra. R.U.R., qui dépeint un monde qui devient la proie des robots qui étaient censé lui rendre la vie plus facile. Quant à la Maladie blanche (1936, représentée l’année suivante à Prague), c’est l’histoire d’une épidémie de lèpre d’un genre nouveau qui s’abat sur un pays. Le docteur Galen trouve un vaccin efficace, mais refuse d’un révéler la formule tant que le dictateur du pays cesse la guerre qu’il a engagée. Mais la foule ne suit pas le docteur Galen. Et il faut attendre que le maréchal et ses proches soient touchés pour que ce drame trouve une conclusion heureuse.

Le Voyage de Kokochkin, Hans Joachim Schädlich, traduit de l’allemand par Marie-Claude Auger, Jacqueline Chambon, 196 p., 19 €.

Un vieux monsieur, Fiodor Kokochkin, rentre chez lui à New York. Il était allé en Europe à la recherche son passé en 2005. C’est un botaniste émérite, qui avait vécu à Vienne et à Prague. Il évoque ainsi ce monde disparu, qui a été en proie aux guerres et aux affres de la Guerre froide. Son dialogue avec une femme rencontrée sur le Queen Mary est touchant et le récit de son existence, révélateur. Mais il manque une certaine densité à cette fiction qui, sous bien des aspects, reste à la surface des choses. Sans doute est-on pris par ce que cet homme âgé confie, par son expérience si lointaine de la nôtre et qui nous oblige à faire un sage plus aigu et subtile de notre mémoire. Mais cette période a été tant et tant décrite, sous forme de récits ou sous forme de documents que son histoire semble un petit vade-mecum du XIXe siècle dans cette région du monde. C’est narré avec beaucoup de grâce, mais reste le fait qu’on n’y trouve pas matière à repenser le destin des nations ni à imaginer le destin d’une nation qui pourrait s’appeler l’Europe;